Un été, dans un quartier pauvre de Port-au-Prince, je me suis engagée dans une ruelle poussiéreuse bordée de maisons peintes de couleurs vives pour aller rendre visite à la mère d’un ami Haïtien de New York. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé allant de bras en bras, de foyer en foyer, embrassant sur les deux joues les cousins et cousines des différentes branches de la famille de mon ami, épuisée par la chaleur et le battement sonore de la musique compas que déversaient des haut-parleurs extérieurs. À un moment donné, je me suis retrouvée à serrer la main d’un homme qui me souriait de toutes ses dents, des dents extraordinairement petites pour quelqu’un de sa stature. “Si vous êtes vraiment ethnologue, vous devriez aller le voir, c’est un bòkò”, me souffla une bonne âme.

Un bòkò en Haïti, est un spécialiste des questions surnaturelles. Contrairement au houngan ou à la mambo, qui sont au centre d’un réseau communautaire religieux, il agit seul, en franc-tireur. Il a en outre la réputation de “travailler à deux mains”, autrement dit de posséder tout à la fois le pouvoir de guérison et celui de la vengeance. L’anthropologie traditionnelle le qualifierait de sorcier.

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Bòkò Saint-Jean 1968

Le lendemain, je repris le chemin de Monatuf, ce bidonville au centre de Port-au-Prince, et m’employai à chercher sa maison parmi les nombreux cubes en ciment colorés coiffés de tôles ondulées qui se pressaient, accrochés au bord d’un ravin servant à la fois d’égoût et de décharge. Le Bòkò répondant au nom de Saint-Jean m’invita à entrer. Il affichait toujours ce sourire découvrant des dents de bébé jaunies par le tabac et s’exprimait dans un créole haché. La conversation se cantonna à des échanges polis, style “quelle belle journée, quelle jolie maison” tandis qu’il m’offrait des rasades d’alcool de canne, ou kleren, arrosé, à l’en croire, d’un remède anti-poison. Je ne pus m’empêcher d’attacher mon regard à son autel, qui occupait la plus grande partie de la pièce, et en particulier à un objet qui me paraissait aussi étrange que beau: une bouteille enveloppée dans un tissu rouge, blanc et noir, et ceinturée de miroirs brillants comme des phares. Des ciseaux ouverts, accrochés au goulot, formaient deux grands X.  ” Quelle belle bouteille”, commentai-je. “Merci me dit-il. Vous voulez que je vous en fabrique une?”

C’est ainsi que fut commandée la bouteille; je la considérai comme la première pièce de ma collection d’objets d’art. Avais-je tort ou raison? Avant de me la donner, le bòkò la transforma en objet magique, en wanga, au cours d’un rituel dont le sens m’échappa. Je rapportai la bouteille chez moi comme on rapporte une énigme. Comment une personne appartenant à une culture donnée pourrait-elle comprendre un objet ayant sa place dans une autre culture? Je décidai de mener une enquête pour découvrir de quoi retournait justement cet objet, comment fonctionnait un wanga et pourquoi il était aussi interessant d’un point de vue purement visuel. Tandis que je le contemplai, j’eus la bizarre impression qu’à son tour l’objet m’observait. Non seulement me regardait, mais me dévoilait, par des signes imagés, les interrelations entre le secret et le savoir dans les arts magiques haïtiens, la poétique de la volonté et du désir, la réalité de l’esclavage et de la mort. Ensemble, l’objet et moi, nous avons sondé la profondeur des racines centres-africaines des religions d’Haïti et examiné comment se transcrit l’histoire dans un pays où personne ne lit ni n’écrit. Mes entretiens avec la bouteille se mua en une véritable voyage initiatique.

La bouteille qui ne “S’arrêtait jamais”

IMG_2192.jpegLa bouteille est non seulement une création artistique, mais aussi un wanga, ou travay maji (travail magie). Cela dit, comment opère-t-elle dans cette dernière fonction? Les récentes études sur la culture matérielle m’ont ouvert la voie: tout objet manufacturé, même celui dont le sens parait le plus évident, comporte une multitude de strates de signification d’usages, de symboles et de connotations. Et de ce fait, il est souvent susceptible de servir de clé pour comprendre la culture dont il est issu.

Quelle qu’ait été sa signification aux yeux de celui qui l’avait fabriquée, dès lors qu’elle entra en ma possession, la bouteille se mit à fonctionner au sein d’un “système des objets”: une chose achetée et exposée sur ma table basse pour être offerte au regard admiratif de tous. Par la suite, prenant conscience de son importance, je la rangeai hors de vue. Il n’en restait pas moins que s’agissant d’un objet construit, visuellement codé, d’une sophistication esthétique remarquable. Il était bien question d’art. Et pourtant, c’était un fétiche fabriqué par un sorcier, et à titre il tombait dans la catégorie des objets ethnographiques. À moins qu’il ne relevât de ce que James Clifford qualifie “d’opposition institutionnalisée entre art et culture”, une place qui échoit aux objets acquis dans les pays non occidentaux. D’après Clifford, tout objet exotique collectionné se trouve confronté à choisir entre un milieu d’accueil ethnographique ou un milieu esthétique. Aussi, à mesure que je me frottais à cette pièce haïtienne, je me pris à penser que ce qui lui conviendrait le mieux, c’était une exposition dans un espace public, ou ses qualités esthétiques seraient appréciées au même titre que son inscription culturelle.

En attendant, la bouteille, sur ma table basse, suscitait des commentaires de mes amis. “Tu sais, me lança l’un d’eux distraitement au cours de la conversation, cette chose n’arrête jamais.” En effet, elle bougeait, ondoyait à sa manière. Et si l’on partait du principe que tout objet artisanal incarnait les croyances de sa culture auquel il se rattachait, je pouvais commencer mon analyse par une étude sensorielle. L’objet devait livrer de lui-même les données de la recherche et de l’interprétation. De sorte que je me retrouvai, dans mon salon, en train d’inspecter ma bouteille à la recherche d’indices.

“Cette chose n’arrête jamais”. Si c’était une bouteille, c’était une bouteille extraordinaire. Une bouteille de rhum barbancourt (un rhum de fabrication haïtienne), comme on le constatait à la lecture de l’étiquette transparaissant à travers l’étoffe. Elle ne contenait plus de rhum, mais un liquide à l’arôme puissant. Une odeur forte de parfum, oui, ainsi que ses sédiments que l’ont voyait collés au verre du goulot. La présence de liquide rendait l’objet pesant du bas quand je le tenais. Je le décapsulai pour constater que trois épingles traversaient horizontalement l’intérieur du goulot, tenues de l’extérieur par des aimants. Elles ne semblaient être là que pour représenter l’élément métal.

IMG_2193La bouteille était lourde du haut, aussi, à cause des trois aimants qui encerclaient le goulot. Ceux-ci étaient de fabrication industrielle, des pastilles de deux centimètres d’épaisseur, couleur d’acier inoxydable. Ils dépassaient du mince goulot à la façon d’un col, ou d’un collier. Une boucle d’oreille féminine était fixée à l’un des aimants, ce qui donnait à l’ensemble un air guilleret. Les aimants sont des forces élémentaires, la terre étant entourée d’un champ magnétique qui, par l’intermédiaire de la boussole, permet aux voyageurs de s’orienter: l’aiguille indique toujours le nord. On plongeait là au coeur des forces les plus primitives. dans cette bouteille, les aimants créaient une dynamique telle que les épingles à l’intérieur collaient à la paroi de verre. Ils formaient une polarité en vase clos, un discret écosystème.

À l’exception de la capsule Barbancourt, la bouteille était tout entière couverte d’une étoffe noire, blanche et rouge réparties en trois bandes verticales. Ces couleurs, dans toutes les cultures, ont de puissants symbolismes. À l’exception des aimants, l’ensemble se conjuguait sur le thème de l’emballage. On enveloppait et pour mieux cacher un secret. Ici, ce qui était à l’intérieur de la bouteille était en effet dissimulé.

Deux paires de ciseaux ouverts étaient ficelés de part et d’autre du goulot avec du fil rouge. outil basique dans de nombreuses cultures, le ciseau coupe aussi bien le papier que le tissu, le carton et la ficelle. Au même titre que les épingles, ils peuvent se révéler dangereux. Par ailleurs, le ciseau est anthropomorphe: il a quatre “membres.” Attachés en position ouverte, en vis-à-vis de part et d’autre de la bouteille, ils introduisaient une illusion de symétrie. Impression contredite par la présence de trois plutôt que quatre bandes d’étoffe colorée, ainsi que par la disposition des quatre miroirs attachés à la bouteille juste sous les ciseaux mais légèrement décalés. C’est cette concomitance entre asymétrie ternaire et symétrie binaire qui obligeait l’oeil du spectateur à tourner autour de l’axe de l’objet et lui faisait dire qu’il ne “s’arrêtait jamais”.

Les quatre miroirs, de forme ronde, avaient à peine quatre centimètres de diamètre. Cerclés de plastique vert, ils avaient été ficelés à la bouteille avec du fil rouge, de sorte qua chaque miroir était traversé en son centre par une série de traits verticaux et horizontaux. La surface polie était poussiéreuse. Entre les fils et la poussière on ne distinguait qu’un vague reflet. Les miroirs semblaient plutôt réfracter que réfléchir. Brillants capteurs de jour, ils attiraient l’oeil et reflétaient la lumière.

Parfum, épingles, aimants, ciseaux, miroirs: voilà des composantes simples, élémentaires. Et chacune possédait des caractéristiques opposées qui menaient à une impasse pratique: l’eau parfumée contenait des impuretés, les gros aimants attiraient de minuscules épingles, les ciseaux aiguisés étaient rendus inutilisables parce que liés en position ouverte, les miroirs, barrés de liens en croix ne reflétaient pas votre image. Que signifiait le parfum, l’épingle, l’aimant, les ciseaux et le miroir dans le code symbolique haïtien? Que signifiaient-ils dans leurs rapports entre eux?

Au-dessous des miroirs, rien ne dépassait plus de la forme, laquelle, dans sa jupe d’étoffe, se prolongeait, fluide, jusqu’en bas. La moitié de la bouteille semblait correspondre à la ligne horizontale des liens qui fixaient les miroirs. Cette ligne coupait l’objet en deux à l’horizontale tandis que les ciseaux, qui étaient symétriquement opposés, la coupaient à la verticale. Cela dit, cette symétrie binaire se heurtait à l’asymétrie en différents points du fourreau coloré, si bien que l’oeil du spectateur, happé par le déséquilibre, était pris de vertige. Les lignes des ciseaux et des miroirs le faisait tourner autour de la bouteille dans une spirale sans fin, rouge, blanche et noire…. couleurs du Rite Petwo

… / …

En fin de compte ma bouteille vaudoue allait beaucoup plus loin que je ne me l’était figuré au départ. Habitée par un esprit qui lui était attaché , elle était chargée d’une mission et elle affirmait sa personnalité, se présentant dans un habit imaginé codé et drapé de rutilance artistique. Dès lors que vous étiez capable de déchiffrer son message, elle se révélait porteuse d’un condensé matériel historique et d’un système cosmologique miniature. Cela dit, elle n’était pas faite pour être contemplée comme un objet d’art. Elle semblait animée d’une vie propre, se parler à elle-même, à l’esprit qui se trouvait enfermé à l’intérieur. Vivante donc, elle tournait sur elle-même, colorée, provocante, métaphore complexe de ce que le wanga était censé accomplir et non pas de ce qu’il était.

Mais si cette bouteille est bien un écosystème habité par un esprit, comment peut-on l’exposer dans la vitrine d’un musée? me demandai-je. James Clifford suggère que “nous pouvons leur rendre leur statut perdu de fétiches, en faire non pas une production perverse ou exotique, mais nos fétiches propres. Grâce à cette stratégie, forcément personnelle, on accorderait aux choses exposées le pouvoir de fixer plutôt que la seule faculté d’édifier ou d’informer. Les artefacts africains et océaniens pourraient redevenir des objets sauvages, sources de fascination et dorés du pouvoir de déconcerter.

Le wanga en question m’avait en effet “fixée” pendant des années, et édifiée, et informée. La bouteille ait tout à la fois été un objet d’art, un souci et un objet d’étude. Les zombi, s’ils sont encore là, se sont tenus tranquilles dans leur bouteille qui porte toujours sa coquette boucle d’oreille sur le côté. Peut-être sont-ils déjà mort ” par la main de Dieu”. Il est possible q’ils soient encore enfermés dans la bouteille, veillant avec leurs grands yeux miroirs sur mon bonheur.

Je ne crois pas me tromper en affirmant que le wanga a une personnalité. Mac Gaffey a comparé le nkisi à “un ancêtre dans sa tombe” et lui concède une sorte de caractère. À voir un nkisi, écrit-il, “on identifie une personnalité autonome qui semble latente à l’objet et s’éveille grâce  à la relation sans être pour autant limitée par elle.

Désormais je traite ma bouteille comme une chose vivante, détentrice d’une identité, une chose qui respire. Non seulement elle est susceptible de dévoiler des connaissances vieilles de plusieurs siècle sur l’existence de tout un peuple, mais elle porte aussi en elle un eu de la vie des deux âmes qui ont passé un peu de temps sur terre à un jet de pierre du cimetière de Port-au-Prince.

où ma bouteille doit-elle vivre? Elle a passé cinq ans dans mon bureau, à me regarder travailler à ma table. L’exposition Sacred Art of Vaudou lui a permis de trouver une autre place, une place qui privilégie simultanément l’approche esthétique et l’insistance sur le contexte et l’histoire, une place où elle peut être considérée à la fois comme un art et un artefact, comme un fétiche et comme le support d’une histoire culturelle.

“Mes zombis vont enfin prendre le chemin du musée, lançai-je en plaisantant à mes amis. Ils vont pouvoir travailler; nouer de nouvelles connaissances, rencontrer des gens passionnants.” En fait, je me dis que cette exposition va peut-être décupler leur puissance: plus il y a de monde pour les regarder, plus les esprits ont peut-être l’occasion d’être activés. Je vais leur faire de la cuisine sans sel avant leur départ. Ces zombis sont sans doute à ranger dans la catégorie des zombis travailleurs. je souhaite que chaque personne qui rendra visite à la bouteille vaudoue reçoive une part de la chance qui m’a été échue.

Elizabeth McAlister

Traduit de l’américain par Isabelle Chapman

Afin de rendre Honneur & respect à notre amie, soeur, mentor Rachel Beauvoir Dominique, partit pour l’orient éternel dans la nuit du 04 au 05 Janvier de cette année, je vous offre en partage la suite et fin de ce fabuleux texte.41168_1610681427396_595455_n

Bonne lecture.

L’IMAGERIE VAUDOUN: HAUTE ET BASSE MAGIE

Si l’art de la magie vaudoun repose sur l’esthétique du signe et symbole, producteur d’un sens qui parle au for intérieur de chacun, il n’est activé que par l’existence d’interactions au niveau de l’inconscient collectif. Dans la vie quotidienne, la présence de calebasses d’offrandes que l’on place aux carrefours frappe la corde sensible de passants, tout comme le tambours, la nuit, font vivre des scènes précises. Le proverbe Haïtien kreyol palé, kreyol konprann (créole parlé, créole compris) ne fait pas référence à la langue elle-même, mais plutôt à la qualité de son expression qui a pour fonction d’évoquer et non de décrire.

Dans le domaine magico-religieux, le domaine symbolique est de plus en plus réglementé: le tracé de vèvè, le langaj (éléments linguistiques africains associés au langage corporel), le déroulement des cérémonies, la chorégraphie des danses, la musique, les vêtements, les gestes… L’ensemble se rattache à un système complexe et signifiants. Les pratiques relevant de la trilogie Kalfou / Gran Bwa / Simityè stimulent les facultés symboliques dans le graphisme et favorisent la révélation des correspondances cachées. Ces éléments doivent être extraits d’un passé plus lointain que le passé immédiat de la société Haïtienne. Ils s’adressent à l’humanité dans son essence, ils communiquent avec les racines universelles du mysticisme ésotérique. La franc maçonnerie, la rose croix, la kabbale… Toutes traditions qui trouvent d’ardents adeptes en Haïti, aujourd’hui comme hier. Voilà pourquoi il est important de comprendre pour qu’elle raison elles jouissent d’une telle popularité auprès de la population Haïtienne.

La réalité du syncrétisme vaudoun se traduit dans la forme d’un récipient en bois oblong, réceptacle des feuilles frottées au cours de la cérémonie du rite petwo, récipient qui symbolise le bateau mystique, son axe vertical représentant une hampe de drapeau. Il recueille en même temps des traditions pré-et para-chrétiennes classées comme hérétiques depuis toujours. Ranmasé, nous pral ranmasé zafè sa ki sot ki pa ranmase pa yo. (Ramasser, nous allons ramasser les affaires, dommage pour les sots qui n’ont pas ramassé les leurs.)

Les feuilles que l’ont amoncelle dans le réceptacle représentent un amalgame de plusieurs choc de civilisations. On y trouve les religions révélées, le christianisme comme l’islam, l’un et l’autre produits et producteurs de différenciation. Dans un mouvement à la fois de rapprochement et d’éloignement, tout finis par se confondre à la fin dans le rituel des feuilles. Mapou tombe kabrit manje fey Dan Petwo. (le baobab tombe, les biques mangent les feuilles, à petwo.)

Les représentants vaudoun stimulent des régions cachées du cerveau. Comme dans un film surréaliste, des images d’un temps passé très lointain et pour tout étrangement familier passent devant nos yeux , de manière désordonnée, éveillant des odeurs et des sensations tactiles, flirtant avec la conscience avec une cohérence qui  demeure encore voilée.

Le bois, la pierre: la planète terre. L’univers, le cosmos. La matière, la masse originelle, reconnue, palpée, tenue à la lumière. Dotée d’une forme. De très longues sculptures… des séries d’êtres munis de racines. Simbi peigne ses longs cheveux. La vieille barbe de Loko fait jaillir le tourbillon du temps et les langues de feu de djab (diable) pénètrent la terre.

L’homme africain dans son environnement premier. Homo Erectus. L’art paléolithique de Tassili, la magie des cavernes ressurgie du plus profond des âges. Force du point, précission de la ligne, une ligne continue puis brisée. On pense à l’art vaudoun d’Hectr Hyppolite, dans le tracé de vèvè comme sur toile: la légèreté et la masse de cette énergie canalisée. Un énergie jaillie du berceau de l’humanité, le cri de la vie.

Cercle, carré, alphabet et chiffre, éléments de classification…., l’écrire en soi plus signifiant que ce qui est écrit. E.T.C.**.I.BA.L.F.S.NJ. EZ. N’importe quoi, automatisme, à déchiffrer, l’alphabet de Napata et Méroé, les capitales successives de l’antique royauté koushite, dans ce qui est à l’heure actuelle le Soudan. Code hermétiques qui restent à déchiffrer, rupture ésotérique des processus de pensées. Délire du scribe et magie du nombre enrobés d’un vernis de signifiant. Baka – génies malfaisants, terrifiantes figures de l’inversion, évocations spéctrales et anthropomorphiques du malheur.

Crachats, serpents lovés, dragons majestueux. Femmes à la poitrine fièrement bombée et aux solides jambes de bovin. Le culte voluptueux de Mithra, la déesse égorgeant un taureau dont les pattes émergent de sous les drapés de sa robe tandis que ses bras de femme enlacent le cou de l’animal en une étreinte teintée d’érotisme…

Bosou Twa Kon Kandonble, le djab taureau tricorne qui forme une trinité avec Bosou Marasa, les jumeaux divins. On retrouve des représentations originaires de Sumer et d’ancienne Egypte, de la Rome Antique aussi, ainsi que de Grèce, de l’Europe médiévale, d’Afrique à travers les âges. Ces figures mythologiques ayant surgi dans des civilisations très anciennes, et dont se servent les initiés des cultes mystiques, constituent les principaux adversaires du pouvoir naissant de l’Église.

Le phœnix des cathédrales nubiennes du XVIIe siècle, au confluent de l’Egypte pharaonique, de l’Egypte copte du Soudan.

La culture de la création mystique. Des rangées successives de statues bizangos, droites comme des soldats, noires et rouges, évocatrices par leur puissance des colonnes de Louxir. Effets d’orientation / désorientation, symbole du dilemme identité/ collectivité. Le bizango se dépêchant d’aller s’habiller pour le rite magique après l’introduction rituelle rata, empilant les adeptes dans la minuscule salle de préparation… Sensualité de la chair, de la chair se fondant dans la chair comme l’être se fond dans l’être.

La baguette mystique, emblème du pouvoir pharaonique, qui a continué à occuper dans la tradition judéo-chretienne (Moïse) aussi bien que dans les ordres médiévaux comme les Templiers, une place centrale qu’il retrouve dans le vaudoun. Dans la cérémonie rituelle, les femmes se connectent avec la société matrilinéaire de l’ancienne Egypte, de Méroé et de l’ensemble du continent africain.

Défilé fantastique: Belzébuth, divinité cananéenne devenue via le catholicisme le prince des démons, entièrement équipé au combat avec ailes dorsales, main dans la main avec Adonaï Astaroth, Lucifer, et une bonne escorte de “diaboliques” Sarazen (Sarrasins) à la barbe espagnole… Un légion des ténèbres aux tenues martiales surgies du Moyen Âge, épée au poing, saint Jacques à la conquête de ces mêmes Arabes, couvert de pentacles et d’osselets.

On trouve dans les grimoires aussi bien que dans la chromolithographie de quoi alimenter cette extraordinaire magie néo-pythagoricienne. L légende d’Hermès Trismégiste et la tradition ésotérique arabe mélangée à l’iconographie catholique. Les ennemis de toujours s’unissent pour ne former qu’un.

Sisya, victime de cette coalition contre nature: une figure d’une mélancolie poignante, tragique. Des yeux noirs dénués d’expression, un fichu noir sur la tête, elle repousse avec un calme glaçant un crâne posé sur un plateau. Le crâne est plein d’humanité privée de vie – la tragédie des pouvoirs détournés. Ainsi se déploient les visions magiques du vaudoun. La population dans sa très grande majorité ne recueille que des miettes de cet ensemble de connaissances. Isolées de leur contexte, les bribes dégénèrent en superstitions, en code cryptiques et étranges; Ce qui reste de la sagesse ancienne, désormais élitiste, est conservée dans les grimoires. Ces derniers, au départ recueil de préceptes à l’avant-garde du progrès, deviennent peu à peu des livres bourrés de vulgaires formules, de recettes simplistes depuis longtemps surannées. Privée du soutien de la machine à penser, la haute magie se dégrade pour ne plus être qu’une basse magie ne reculant pas devant la mystification avec l’usage de futiles pratiques de sorcellerie. Ceux qui contrôlent le pays sont heureux de diffuser ces reliques – surtout si elles donnent lieu à une opération marchande – de façon à canaliser la volonté de transformation naïves  du peuple dans des activités stériles. On fait prendre à la nouvelle population vaudoun des objets sans significations pour l’acte de représentation lui même, la force de désignation de l’objet, la capture du double grâce à sa matérialisation. Verbe, nommo. De sorte que de nos jours nous nous trouvons très souvent confrontés à l’amalgame entre signe éclectique et signe creux ou vide.

La puissance de la haute magie vaudoun repose sur une toute autre base. Visant au coeur de l’expérience humaine, elle a tissé un fondement qui se traduit par un système de perception et de pratiques d’une grande rigueur. Cette évolution exige une liberté d’expression exceptionnelle, que l’on peut qualifier d’artistique, tout en précisant que cette expression est anti-individualiste, soumise à la volonté de changement collective. Dans la danse comme dans les autres domaines, le vaudoun lie le corps à la psyché afin d’atteindre une expérience bouleversante et transformatrice. Ceci est possible grâce au regroupement d’effets à la fois universels et singuliers. D’où l’importance capitale de l’imagerie active, du symbole de projection et du rituel cérémoniel. mais n’accèdent à ce domaine que ceux-là qui sont passés maitres de l’art de provoquer et de signifier une réaction.

L’inspiration poétique soumise aux forces de la lutte violente, tel est le thème de cet art magique. Le calme absolu de la haine à son plus haut degré. L’art de dessiner des êtres multiples. La nature, l’artiste et le public, le collectif et/ou l’individuel. La rencontre de la dissonance, comme dans la musique de Thelonious Monk ou l peinture de Jean-Michel Basquiat. Le chaos, originel et social, se trouve alors contenu, ordonné, discipliné, grâce à la constante reproduction de ses effets déstabilisateurs.

La symétrie joue parfois avec l’équilibre d’ensemble: en dessinant l’être, un être  seul et néanmoins collectif se mouvant doucement dans la douceur de la nuit , avec des étoiles qui fondent, une lune qui fait pleuvoir des émotions. Harmonies singulières de formes dérangeantes à souhait. Et cette tranquillité enveloppante qui guide le “nouveau né” vers les mystères d’un univers commun à tous…

Mais, à d’autres moments, le déséquilibre se trouve provoqué de manière délibérée et uniformément. L’art de la magie vaudoun se donne pour tâche de vous déstabiliser, au moyen de techniques spécifiques de torsions et distorsions, atteignant, à son sommet, la pureté du mutant. Nous décrirons ici deux moyens de parvenir à ce résultat. Une superposition discontinue est établie à partir d’un viol de la logique du discours, ou d’une brusque substitution de grille de lecture. On peut, d’une part, aligner des termes numériques, et faire apparaitre des lettres ça et là en produisant un effet de surprise, puis glisser des images d’animaux. D’autre part, l’unité de forme donnée par celle du fauteuil rituel se trouve brutalement déchirée par l’asymétrie de son dossier, lui même perturbé par une nouvelle charte de couleurs. Chaque séquence de changement produit une rupture dans la lecture: le témoin est désarçonné.

Peu à peu, les perturbations dans les séquences s’accélèrent, les séquences raccourcissent. Les grilles se superposent aux grilles… La diversité des déséquilibres est infinie. On en a un exemple dans les sculptures du djab. Ce dernier est représenté avec un regard d’aliéné cherchant désespérément la terre ferme. En outre, sa posture semble indiquer qu’il est sur le point de trébucher et de tomber. Ces représentations son censées renforcer ou refléter l’état personnel de déséquilibre / équilibre du spectateur.

Le magicien-artiste, figure centralisatrice, qui concentre en lui la violence latente de la communauté, diffuse des signaux de dérèglement amplifiés par la centralisation dont ils font l’objet. D’où le danger associé à cette opération et l’importance primordiale de l’artiste-magicien. En qualité de médium, il/elle reflète la société: le geste magique est engendré par l’immersion dans une expérience sociale. Mais le magicien acquiert aussi des facultés spéciales lui permettant de canaliser et de concentrer la force dans le but de la projeter.

Le contenu de l’objet obtenu, qu’il soit représenté dans l’espace (sculpture) ou bidimensionnel ou encore multidimensionnel et collectif (iconographie cérémonielle), joue sur les significations sociales. En premier lieu, d’un point de vue littéral, des signifiants tels que machettes, cercueils, pierres tombales, feuilles, serpents, foudre, cornes de bélier ou de taureau, sont en soi évocateurs d’images porteuses de perspectives, de menaces, d’oppositions. Deuxièmement, les lignes de l’ensemble forment une œuvre distincte qui suggère l’existence préalable de certains états. Étant donné son évolution, sa fonction et son modus opérandi, le corpus de l’art magique vaudoun insiste, au moyen d’un subtil équilibre, sur les compositions mettant en valeur la tension et la rapidité, la centralisation et la concentration, la douleur et la violence.

La corrélation entre la figuration symbolique directe et l’intention connotative d’ensemble indique le niveau d'”occulte” inhérent à la pièce. L’œuvre plasticienne vaudoun, en particulier la sculpture, atteint sa force grâce à l’équilibre de ces deux facteurs. Elle concentre la complexité des énergies accumulées, la lutte interne d’une unité contradictoire. Cet art, comme la magie dont il est dérivé, se spécialise dans la confrontation, l’interaction et la sublimation de la contradiction.. Pour réconcilier les contraires, il commence par présenter l’impossibilité de leur résolution et ainsi dénonce le scandale et la cruauté d’une compréhension partielle. À d’autres moments, toutefois, il rend hommage à la connaissance, même fragmentaire, ou exalte des facultés précises.

L’expérience cérémonielle incarne à elle seule la maji vaudoun, les facultés de transformation de l’esprit en tant que matière. Les mécanismes du rituel agencés suivant la progression de la modalité associative, culminent dans la transe – un état combinant un libre flot d’émotions chargées d’énergie avec des codes de conduite déterminés et considérés comme sacrés. Dans le rituel, la projection de l’image est multidimensionnelle et multirelationnelle, globalisante: la forme et la couleur de l’hounfor, la décoration, la congrégation, l’odeur de feu, du rhum blanc, de la sueur, le contact de la terre sous la plante des pieds nus, le son obsédant des tambours battants sans fin. Le cosmos, uni, se “brise'” sans raison… et le corps suit, bascule, tête la première, dans l’univers global de l’occulte.

DISPARAITRE POUR DURER

Dans cet art savant de la médiation, les symboles, aujourd’hui, deviennent de plus en plus étrangers. La terre, l’eau, les feuilles, la forêt, les animaux de toutes sortes semblent se rétrécir, se retirer. La terre absorbe les réserves d’eau et n’a pas grand chose à offrir aux nouvelles générations. Les feuilles magiques du vaudoun se font rares, et les forêts d’autant plus mystiques qu’elles reculent. Les quelques serpents, oiseaux, bétail, pas encore en voie d’extinction font trembler une population qui redoute leur pouvoir vénéneux dans son inconscient collectif. En réalité, ils sont aussi peu nombreux que chétif. Au bout du compte, les seigneurs de la mythologie vaudoun, ainsi que leurs alliés d’outre-mer, sont tenus pour responsables du désastre: les divinités paternelles et les “maitres” qui ont le malheur de trop ressembler aux grandons de sinistre mémoire, ces seigneurs demi féodaux qui jouèrent le rôle de relais de transmission de la répression duvaliériste. La fin de leur règne évoqua dangereusement dans l’opinion populaire la fin du domaine magico-religieux

Par ailleurs, les modes d’expression collective d’ordre magico-religieux qui tournent autour de la figure centrale de magicien-artiste ne correspondent plus à la réalité sociale de la migration et des bidonvilles. En d’autres termes, le démantèlement du Lakou (les grandes habitations rurales) a provoqué une confrontation entre un art avant tout féodal et un système social en pleine mutation. Ce dernier souffrant d’une pénétration progressive de nouvelles relations économiques au sein d’une organisation sociopolitique qui se révèle, malgré tout, d’une stabilité surprenante.

Que peut-on dire de la survie des formes magico-religieuses vaudoun et de leur validité dans un contexte aussi changeant? Dans le cas de la diaspora haïtienne qui continue à pratiquer ce culte, la question se pose de façon encore plus aiguë. Quelles sont les limites du symbolisme compte tenu du détachement croissant de son imagerie de la réalité de tous les jours? Où faut-il chercher ses capacités d’adaptation? les richesses accumulées en des temps d’une dureté inimaginable semblent animées d’une force propre, qui, de ce point de vue, n’est égalée que par l’obstination du système social en décomposition.

Poser la question de la transformation revient à aborder celle des objectifs dans une société renouvelée. Depuis ses origines, cet art de stimuler l’imagination n’a rien de neutre, ce qui nous ramène au problème de sa finalité. Dans quelle mesure le Haïti de demain, celui de ceux qui en cultivent le sol, pourra-t-il récupérer ces techniques séculaires sinon millénaires que se sont appropriés les classes exploitantes? Jusqu’à quel point peuvent-ils les détourner à leur profit des objectifs de domination de ces classes? Comment peuvent-ils canaliser leurs capacités dans une perspective radicalement différente?

Il y a danger inhérent à la confusion de la forme et du contenu, un risque de restaurer à travers la forme un contenu qui a été rejeté avec violence. C’est le risque de régression. Avancer est le seul moyen de se soustraire à l’influence contradictoire du djab: avancer dans le temps, l’espace, le rythme, la pensée, les relations sociales. L’art magique vaudoun repose sur la force du renouveau qui jaillit de ces moments d’antinomie, ces temps productifs de l’histoire des hommes.

LA CONCEPTION DE L’ÂME CHEZ LES BAKONGOS:

La conception de la personnalité chez les Bakongos était pluraliste. Cette croyance contribua certainement à la fusion des deux conceptions de l’homme — dahoméenne et congo — dans le vaudou Haïtien.

Pour les Bakongos, en effet, l’homme “se compose de quatre éléments: le corps (nitu), le sang (menga) qui contient l’âme (moyo) et le mfumu kutu, sorte de double âme. Venant donner à l’être humain sa personnalité parfaite, le nom (zina) constitue l’homme complet”.

C’est grâce à l’âme (moyo), nous dit Van Wing, “que l’homme vit sa vie”. Cette âme résiste victorieusement à la mort et se retire ku masa (à l’eau) que les bakongos désignent d’une manière très caractéristique:  Ku Banzingila ( là ou l’on vit).  L’eau est le monde des ancêtres. “Dans leur village, les ancêtres ont leurs maisons, leurs champs, ils ont de grandes richesses, des étoffes, de l’argent, du gibier, du vin de palme. Ce village est situé ku masa, dans l’eau, du côté de la forêt, car la forêt se trouve près des rivières”. Il existe donc un point commun entre la conception dahoméenne des âmes et de la mort et celle des Bakongos: Une âme, à la mort de l’homme, entre en contact avec l’eau. Ce contact, chez les dahoméens, était transitoire: l’eau est un élément de passage, un lieu où l’on récupère les âmes pour les déifier. Chez les Bakongos, l’eau était le séjour permanent du moyo après la mort. Cela explique que l’eau joue un rôle primordial dans le monde funéraire en Haïti.

Si la mort du Vaudouisant haïtien s’inscrit très nettement dans un contexte Dahoméen, une variante assez importante dans l’itinéraire post mortem de l’âme témoigne de l’influence des Bakongos: l’âme, qui sera récupérée pour être divinisée, va directement sous l’eau où elle séjournera en attendant qu’on “la fasse lever”. Cette modification est très certainement due au bouleversement de la géographie; il est beaucoup plus facile de rejoindre l’élément liquide omniprésent — et qui pour les Congos coïncide avec le monde des ancêtres — que de gagner le monde des ancêtres du Dahomey resté quelque part en Afrique.

L’autre âme, que van Wing appelle âme sensible, “principe de la perception sensible”, le mfumu kutu, a pour siège l’oreille: elle est “le seigneur de l’oreille”.

Mais les Bakongos disent qu’elle est “chose de Nzambi”, qu’elle vient de Dieu. Or cette âme présente une des caractéristiques de l’âme dahoméenne qui vient du culte de mawu. La ressemblance ne s’arrête pas là: quand le mfumu kutu “entre dans l’enfant, il vient de loin; lorsqu’il quitte le cadavre, il s’en va loin, ku katalukidi”.

Autrement dit, elle vient de Dieu et s’en retourne à Dieu. Elle n’aura plus de contact avec les vivants après la mort de son propriétaire.

À l’intérieur de cette structure résolument héritée de l’Afrique occidentale, les analogies sont troublantes entre l’idée que le vaudouisant haïtien se fait de la vie de l’une de ses âmes, et celle que se fait le Bakongo de l’activité de mfumu kutu: “la nuit, (le mfumu kutu) erre par les campagnes, aussi le sommeil s’empare-t-il de l’homme; le jour, s’il s’en va, l’homme tombe évanoui (…). Si le matin l’on éprouve quelque peine à éveiller quelqu’un, c’est que son mfumu kutu n’est pas revenu, il s’en est allée trop loin (…). Lorsque le mfumu kutu s’en est allé, son activité ne se ralentit pas mais elle est autre; il se promène partout, il rencontre ce que l’on rencontre dans la nuit obscure (…). Tout cela, l’homme endormi s’en rend compte parfois : c’est le rêve. Quand au matin le “gros bon ange” ne réintègre pas son enveloppe corporelle, la personne qui l’a perdu tombe dans une profonde léthargie” Les éléments pivots, les seuls clairement exprimés, de la conception de l’âme en Haïti, sont ceux qui coïncident ainsi à l’intérieur des philosophies des deux principaux groupes en présence à SAINT DOMINGUE: les dahoméens et les congos. Ces deux points acquis, les seuls qui réalisent un accord unanime, la philosophie vaudoue tombe dans la confusion quand elle doit se prononcer sur la nature, le rôle, la vocation des âmes de l’homme…

UNE RELIGION MONOTHÉISTE?

Toute la littérature ethnologique qui a précédé Herkovits (Bosman, Skerthchly-Burton) fait état de la croyance des Dahoméens dans un Dieu créateur Omnipotent, qui , une fois son oeuvre accomplie, se serait retiré, livrant le monde à des divinités subalternes. De là, à l’affirmation suivant laquelle ;a religion Dahoméenne serait monothéiste, il n’y avait qu’un pas, que franchirent les missionnaires et les ethnologues catholiques.

Cependant la distance est grande entre Mawu et le Dieu éternel des judéo-chrétiens. Mawu est une créature — avant elle, a existé un être qui l’a créée. La seule étape explicite formulée par la pensée mythologique avant Mawu et Nana Buluku. Le refus d’accepter une origine première à toute existence, caractéristique de la pensée religieuse dahoméenne, amène les théologiens à affirmer que Nana Buluku est lui-même le produit d’une création et qu’il y a eu une multitude de Mawu.

Il est cependant légitime de se demander si sa conception hiérarchisée du monde ne conduit pas le Dahoméen à considérer un personnage divin qui, par l’étendue de ses pouvoirs et l’absolue nécessité de sa présence comme condition de l’ordre, relègue les autres divinités au rang d’inférieurs. Infériorité qui tendrait à ne leur laisser que certains pouvoirs limités et spécialisés, et qui exclurait en eux l’essence divine transcendante, celle-ci restant l’apanage de Mawu. Il serait alors plus facile de comprendre qu’en Haïti l’identification de Mawu avec le “Bon Dieu” des chrétiens se soit opérée sans grande difficulté.

 

CONGO EN HAÏTI:

L’influence de la culture Congo sur la mentalité générale de l’Haïtien contemporain est donc très subtile, beaucoup moins apparente que celle exercée par les peuples d’Afrique occidentale — ce que nous pourrions résumer ainsi: une religion d’inspiration soudanaise est vécue par une population en majorité d’origine bantoue. Cette situation curieuse a plusieurs conséquences.

Ainsi, la vie profane du paysan Haïtien est à bien des égard profondément marquée par les Bantous: par exemple toute l’imagination non religieuse s’exprime dans la tradition bantoue; une multitude de “contes” profanes et de devinettes sont des traductions fidèles  ou des transpositions de légendes et de devinettes congos.

Quant à la vie religieuse, dominée à l’origine par des leaders venus d’Afrique occidentale, on y retrouve de nombreuses traces de ré-interprétations en termes de culture Bantoue (place de certains dieux ancestraux, rôle de la magie, etc.), mais aussi certains traits particulièrement vigoureux qui se sont insérés tels quels dans le cadre dahoméen: c’est ainsi que le Mawu déhoméen, le Nzambi des Bantous et le Dieu catholique concourent à donner sa physionomie propre au “Grand Maître”, Dieu suprême des vaudouisants.

Il est source de toute vie; à la mort de ses crétures humaines, il récupère une de leurs âmes; il est au dessus des esprits auxquels s’adresse le culte (on ne lui rend aucun culte); comme Nzambi, il est législateur des règles morales, punit les hommes quand ils transgressent celles-ci de leur vivant, mais ne récompense jamais.

Le culte des ancêtres des Bantous a disparu avec l’éclatement des groupes de parenté. Ce qui subsiste de religion familiale en Haïti est résolument dahoméen (présence des ancêtres dans des cruches, transes etc..), mais les bakongos ont influencé ce nouveau culte des ancêtres: Comme chez les Bantous, c’est le chef de famille qui officie, et non plus un prêtre spécialisé comme au Dahomey. De nombreux traits du rituel vaudou sont typiquement congos: par exemple, l’utilisation de la poudre, que l’on ne retrouve pas au Dahomey mais qui se pratique en Haïti dans les cérémonies dites de rites congo ou de rite pétro (le rite pétro est un rite créole de forte inspiration congo); la forme des tambours utilisés lors des cérémonies congo ou pétro; de nombreux pas de danse.

Mais le domaine où l’influence bantoue s’est exercée avec le plus de force reste la magie. La magie des Bantous s’est exprimée à l’intérieur comme à l’extérieur du cadre religieux dahoméen. La religion a récupéré la magie positive, bénéfique (curative essentiellement), laissant aux spécialistes  non religieux et aux prêtres maudits la magie offensive (antisociale) et les pratiques de protection en général.

LA MAGIE BANTOUE DANS LE VAUDOU

Les Bakongos ont apporté au vaudou une importante catégorie d’esprits: les esprits de l’eau, les bisimbi. En Afrique centrale, ces esprits aquatiques  dominent un important secteur de la magie et entrent dans la composition de nombreux nkisi (talismans).

Chez les bakongos, les rapports avec les esprits bisimbi sont des rapports individuels établis dans le secret. En Haïti, intégrés dans le culte collectif, ces esprits constituent une famille importante qui se manifeste – comme les dieux dahoméens – par la transe, qui a ses initiés. Ils gardent cependant les mêmes caractéristiques que les bisimbi congos: ce sont des esprits d’eau douce, de sources et de rivières.

“Le sanctuaire des dieux Simbi est pourvu de petits autels sur lesquels on remarque des chromos de saints et de mages – les trois rois mages sont assimilés à trois rois congos dont la mythologie haïtienne a gardé le souvenir –, une lampe à huile d’olive, des govi (cruches) qui servent à les invoquer. Comme les simbi sont des dieux guérisseurs, des paquets dits paquets simbi sont aussi placés sur leur tables-autels. Ces paquets simbi sont la réplique exacte des nkisi congos. Les paquets sont des talismans thérapeutiques qui contiennent des matières végétales et minérales: encens, poudre à canon, écorces, tiges, vivres, feuilles desséchées (dont la feuille dite trois paroles – allophys occidentalis – est indispensable pour toute cure parce que sans elle on ne peut obtenir la protection du père, du fils et du Saint Esprit), le tout pulvérisé est mêlé à une pâte tirée des animaux sacrifiés. On prépare les paquets au cours d’une cérémonie faite en l’honneur d’un loa guérisseur. Au moment de la nouvelle lune, on les attache et les enveloppe de satin  ou de soie aux couleurs consacrées aux dieux intéressés. Ils sont ensuite parfumés et déposés dans des assiettes de faïence blanche ou dans des sortes de gourdes en terre cuite.

Les paquets mâles sont confectionnés par les houngan et les paquets femelles par les mambo. Et comme les simbi sont des Loa aquatiques, on place toujours dans leur Hounfor une cuvette pleine d’eau.

On retrouve les paquets congo ou paquets simbi dans tous les sanctuaires d’inspiration Bantoue – dans les rites congo et pétro – où les guérisseurs sont nombreux: ordinairement des poupées de toile bourrées avec des feuilles, des herbes et des racines pulvérisées et parfumées. Si, en Haïti, la maladie est ainsi intégrée dans le contexte religieux (dans de nombreux cas seul le prêtre pourra guérir le mal), il faut y voir un apport bantou: cette notion est totalement absente au Dahomey.

LA MAGIE BANTOUE HORS DU CADRE RELIGIEUX EN HAÏTI

Dans le cadre du Vaudou, les sortilèges ne sont envisagés que dans une perspective curative. Hors de celui-ci, ils peuvent être utilisés pour la protection et l’attaque. Cette “magie profane” est désignée par le mot wanga. pour la confection de nombreux wanga, le magicien utilisera un peu de terre prélevée dans un cimetière comme un collègue congo utilise pour ses nkisi de l’argile “prise au fond d’une rivière, d’un étang, séjour des esprits des morts”. Wanga désigne souvent un talisman puissant qui protège un individu, un champs ou une maison. l’expression “accomplir le wanga” renvoie en général à une action plutôt inquiétante. En effet, ce secteur de magie fréquenté par tous ceux qui, par désir de puissance ou de vengeance illicite, veulent causer du tort à autrui – toutes actions maléfiques qui par essence ne peuvent s’exercer dans le cadre de la religion.

Voici cher Ami(e)s un petit tour d’horizon des origines Vodùn… nous établiront prochainement les corrélations entre le panthéon Dahoméen et Haïtien.

À tout bientôt

 

Lila Desquiron pour l’Abbaye Doualas / Loray Gwondé Bon Bòkò.

 

 

 

Dans la plupart des religions les divinités sont des entités de nature essentiellement immatérielle, ultimes modèles  de la perfection et des idéaux auxquels doivent aspirer les humains. Dans le Vodou, on est plutôt en présence d’esprits qui veulent prendre la forme humaine, avec tous les sentiments et sensations que connaissent les hommes: joie, tristesse, bonheur, douleur, faim, soif, etc. C’est dans ce but qu’ils s’incarnent dans leurs adeptes qui acquièrent à ce moment-là leurs caractéristiques et leur personnalité. C’est de cette incarnation qu’il s’agit quand on dit, en terminologie vodou en parlant de l’adepte en crise, “Lwa a monte chwal li’. (Le lwa a monté son cheval)

Ce genre de phénomène existe dans beaucoup de religions. Il a été communément dénommé “crise de possession” ou “transe”. En ce qui a trait à notre vodou en particulier , nous pensons que l’usage de mots tels que “possessions” et “posséder” est a déconseiller, afin d’éviter toute confusion possible avec les possessions dites démoniaques, en assimilation des lwa ou satan ou au démon des chrétiens.

En effet, pour le croyant, l’emprise qui le domine vient d’une divinité. On doit bien admettre ce fait si on veut aborder la question sans préjugés. D’autres part, le mot transe est aussi employé dans les sciences occultes pour identifier l’état de dépersonnalisation psychique d’un médium. D’après Crosley 2002, dans le cas du Vodou , il ne s’agit  pas de seconde personnalité, mais d’un état de superposition entre le lwa et l’adepte. Il serait donc recommandable d’employer un autre mot. C’est pourquoi nous proposons le vocable “théomorphose”.

Voici comment les vodouisants conçoivent la théomorphose: Chaque personne est dotée de deux âmes le “gwo bonanj”( le gros bon ange), et le “ti bonanj”(le petit bon ange). Le gwo bonanj est responsable de l’existence matérielle, des fonctions physiologiques et mentales, tandis que le ti bonanj est l’essence même de la personne, et correspondrait à ce que les chrétiens appellent “âme”. Crosley nous explique le caractère ontologique de ce concept:

D’un point de vue ontologique, les deux âmes de l’homme, Gros-Bon-Ange et Ti-Bon-Ange correspondent à la réalité supersymétrique voulant qu’au début de la création, après le big bang, l’univers se soit manifesté en duo, comme particules et ondes en même temps. (Crosley 2002:99)

Au moment de la théomorphose, le Lwa chasse le “ti bonanj” et se substitue matériellement à sa place. C’est la descente de la divinité pour habiter dans la personne qu’elle a choisie, un phénomène comparable au dogme catholique de la présence de Jésus sur l’autel de la Consécration.  Pour les catholiques, Jésus est réellement présent sous la forme de l’hostie, mais ils ne le voient pas en chair et en os, tandis que dans le cas de la théomorphose vodou, le Lwa est là, visible, c’est à dire il est lui même la personne en crise. Léon-François Hoffmann nous fait la description suivante du comportement d’adeptes montés par ZAKA, OGOU, et EZILI FREDA:

… La personne  “montée” par Zaka (représenté par un vieux paysan), courbera l’échine, se déplacera avec difficulté, parlera d’une voix chevrotante. La personne “montée par un des Ogoun (représenté par des militaires) prendra une allure martiale, réclamera une machette pour arme, fera le salut militaire… la personne “montée” par Erzulie Freda Dahomey (représentée par une femme coquette) minaudera, balancera des hanches, réclamera du parfum et des liqueurs sucrées… (HOFFMAN 1990:115)

La théomorphose est une réalité empirique. Aux sceptiques qui douteraient de son authenticité – ce qui n’équivaut pas à prétendre qu’il n’y ait pas de crise feinte dans le vodou comme d’ailleurs dans les religions ou sectes où elle existe – on peut répondre que les symptômes ont été observés en Haïti et ailleurs, examinés à fond, et confirmés à maintes reprises par des hommes et femmes de science à qui on peut faire confiance. Dans le cas de Vodou, des témoins ont rapporté qu’au début , l’adepte est sujet à des convulsions, des spasmes, à des pertes d’équilibre, des poussée de température. Après un laps de temps relativement court, il arrive à se contrôler et même à faire montre d’une agilité ou de capacités qu’il ne possède pas normalement.

L’évolution du phénomène qui peut durer quelques minutes, quelques heures  ou même plusieurs jours dépend du Lwa incarné, du rituel, de l’expérience de l’individu, de l’ambiance, etc. Revenu à lui, l’adepte le plus souvent, ne se souvient ou se souvient très peu de son expérience. On a aussi fait remarquer que la crise était contagieuse et plus commune chez les femmes que chez les hommes.

Certains aspects du comportement des criseurs depuis son début jusqu’à sa fin peuvent laisser l’impression d’être tout à fait arbitraires. Cependant, ce ne sont là que des apparences comme le fait remarquer le Dr frantz Bernardin.

Bernardin, chercheur paranormal, dans un article intitulé “crise de possession dans le Vodou”, exprime son point de vue sur ce qu’il appelle le cérémonialisme vodou, et nous dit qu’en dépit des apparences, il y a certes de l’ordre dans ce qui pourrait avoir une certaine apparence désordonnée:

Au premier contact le cérémonialisme Vodou donne une impression de désordre et de confusion. Il apparait comme un amalgame de symboles , de rites, de mouvements gestuels, de chants et de danses qui ne semblent obéir à aucun ordonnancement structuré. Mais observé soigneusement, méthodiquement, sans préjugé, il se révèle comme soumis à des lois, même si, d’un point de vue purement scientifique, l’in ignore la nature de ces lois. (Bernadin 2007. Port-Salut Magazine, 27/08/07).

En effet si on examine le comportement des serviteurs pendant la théomorphose, on constate une certaine uniformité quand ils sont montés par les mêmes lwa. Quelle que soit la personne, ils agissent de la même manière. Ceci revient à dire que le dit comportement n’est pas le résultat de décisions ou de fantaisies individuelles du moment, car ils semblent tous suivre les mêmes règles.

De Price-Mars et Dorsainvil à nos jours, pas mal d’attitude ont changé. n’est-ce pas bien Dorsainvil qui avait déclaré que le Vodou était une psychose raciale héréditaire? (Dorsainvil 1931). Ce qui ferait des nègres haïtiens une nation de malades mentaux, la psychose étant “une maladie mentale dont le malade ne reconnaît pas le caractère morbide” (le Robert).

À la même époque, price-Mars lui aussi donnait à l’épithète de phénomènes anormal, pathologique. N’avait-il pas bien affirmé que les serviteurs des Lwa étaient des déséquilibrés psychiques pourvus d’une constitution mythomane?

DESCRIPTIONS ET HYPOTHÈSES EXPLICATIVE

Dans Maximilien 1945 on peut lire:

La crise s’annonce par une sensation de fatigue musculaire, de lassitude dans les membres (sensation de membres cassés), du vertige avec diminution progressive des facultés supérieures. L’individu essaie alors de retrouver l’équilibre, en sautillant à reculons sur un talon et en projetant l’autre membre inférieur en avant. Il peut choir ou se jeter sur les spectateurs qui le soutiennent, puis il perd connaissance durant un instant. Ce n’est qu’un évanouissement, le criseur ne se rend plus compte de rien. (Maximilien 1945:56)

Voici la description de Métraux:

Il devient alors non seulement le réceptacle du dieu, mais son instrument. C’est la personnalité du dieu et non plus la sienne qui s’exprime dans son comportement et ses paroles. Ses jeux de physionomie, ses gestes et jusqu’au ton de sa voix reflètent le caractère et le tempérament de la divinité qui est descendue en lui. (Métraux 1958:106)

Et celle d’Emerson Douyon:

Le criseur ou chwal des loas compose sur son visage un masque caractéristique. Éperonné par son divin cavalier, le regard fixe, le front en sueur, le corps rigide tendu en avant, il fonce droit, s’arrête, se cabre, trébuche, tombe, roule, se débat, s’immobilise enfin dans une attitude cataleptique. Entouré, secouru, réveillé après un temps plus ou moins long, il est salué et reçu par des chants, des libations, des accolades…. (Douyon 1969:18)

La théomorphose, tout au long des temps, a suscité l’interêt de nombreux investigateurs qui ont tenté de formuler des explications, des points de vue soit médical, soit psychologique, soit mystique, soit théologique, ou logique. En ce qui concerne notre but dans cette étude éthno-descriptive, il se s’agit ni de débattre ni d’approfondir tous ces aspects. Nous préférons pour cela référer les lecteurs intéressés aux recherches des savants vodoulogues dont nous venons de citer les noms.

Pendant un grand nombre d’années,  les psychiatres et les psychologues haïtiens et étrangers, ont dominé le champs des recherches sur la théomorphose, et tout naturellement, leur formation médicale leur a fait y voir des états pathologies de toutes espèces.  C’est cette pratique que dénonce Léon-François Hoffmann:

Tant en Haïti qu’à l’étranger, bon nombre de psychologues d’abord, et de psychiatres plus tard, se sont penchés sur le vodou et tout particulièrement, comme on pouvait s’y attendre, sur ses aspects plus dramatiquement exotiques: crises de possession, envoûtement, zombis, etc. Il va de soi qu’assimiler un comportement d’abord perçu comme incompréhensible et menaçant à une maladie mentale est une démarche profondément rassurante qui permet en outre de dévaloriser ce comportement au nom de l’objectivité scientifique. (Hoffmann 1990: 164-165)

En effet, jusqu’au début de la deuxième moitié du XXème siècle, ce furent les hyopthèse pathologiques qui prévalurent en Haïti, comme le souligne Crosley 2002:

Entre les années 1913 et 1960, les psychiatres haïtiens ont accepté la définition médicale officielle de la crise de possession en tant que pathologie mentale. (Crosley 2002:104)

LOUIS MARS

Louis mars a fait de l’étude de la crise de possession le sujet principal de ses ouvrages. Psychiatre de profession, il n’est pas étonnant que ses points de vue aient été invariablement influencés par sa formation médicale. Toutefois, homme de science honnête dont la carrière s’est étendue sur de nombreuses années, il n’est pas étonnant qu’il ait eu à modifier ses positions, à mesure qu’il faisait de nouvelles découvertes, ou que celles de ses collègues parvenaient à sa connaissance.

En effet, dans un article publié en mars 1976 dans le journal le Nouvelliste, il manifeste ouvertement sa désolidarisation d’avec les méthodes médicales du passé.

Les premières observations sur le vodou en Haïti ont été recueillies par des médecins qui se sont servis de modèles cliniques occidentaux pour diagnostiquer la possession. Peu à peu, nous nous sommes aperçus de notre erreur et nous avons apporté la correction nécessaire. (Mars 1976)

Avant Mars, le psychiatre Emerson Douyon avait traité ces approches d’instables:

La plupart de ces points de vue faisaient allusion tantôt à une structure névrotique, tantôt à une organisation psychotique, tantôt à des conditions intermédiaires de désorganisation de la personnalité à la limite du normal et du pathologique. Cependant, les médecins haïtiens ou étrangers qui ont eu l’occasion d’examiner la question sont unanimes à reconnaitre que la simple observation psychiatrique est absolument insuffisante pour rendre compte d’un phénomène aussi complexe et aussi élaboré que la crise de possession. (Douyon 1969:31)

Le Docteur Mars, dans le même article du nouvelliste précédemment cité où il exprime son rejet des modèles cliniques occidentaux, annonce son choix du vocable “Théolepsie” pour désigner la transe religieuse:

La Théolepsie, c’est le nouveau  terme par lequel je désigne la possession religieuse. (Mars 1976)

Il ne saurait être question de notre part de mettre en question la justesse du choix du terme “Théolepsie”, tant sémantiquement que théologiquement, qu’a fait notre respectable psychiatre. En effet, il signifie précisément “saisi par le dieu”, et i lne s’agit pas nécessairement d’une condition pathologique. Mars a d’ailleurs bien pris soin de défendre en citant à l’appui l’Encyclopédie des religions et de l’éthique. Cependant, compte tenu des attaques dont notre pays et notre vodou ont été victimes à la moindre occasion, serait il prudent que nous adoptions ce mot? Ceci nous exposerait à ce que nos diffamateurs en profitent pour associer la crise Vodou à l’épilepsie, la narcolepsie, la catalepsie, tous termes qui désignent des états anormaux. Il est donc mieux que nous ne prêtions pas le flanc à leur dénigrement, et que nous nous évitions tout malheureux mécompte. Le mot Théomorphose est aussi correct, sémantiquement et théologiquement. En effet, il signifie “Incarnation et transfiguration du Dieu”, pour y adapter une expression de Maximilien. Toujours dans le même article, Mars présente sa nouvelle explication basée, nous dit-il, sur la théorie de la communication. D’après lui, la possession religieuse vodou est un phénomène central de l’animisme afro-haïtien.

D’après Louis Maximilien, l’auteur de le vodou Haïtien, la Kriz lwa n’est pas théomaniaque, parce qu’elle peut être contrôlée par le Houngan ou la Manbo qui ont la capacité de l’inciter, la décourager, l’atténuer ou l’empêcher.  En effet, au cours d’une cérémonie dans un hounfò de Miami à laquelle nous avions été invité, nous avons remarqué que toutes les fois qu’un des participants montrait quelque tendance à avoir une Kriz Lwa, le Houngan et certains de ses assistants s’empressaient à le calmer, ou même à le faire entrer à l’interieur du hounfò. Il se peut aussi que le privilège d’être chevauché par le Lwa, le prêtre se le réservait pour lui même. De fait, le moment venu, on lui apporta un grand fauteuil rouge où il s’installa pendant sa crise, pour que Ogou, en sa personne, reçoive les hommages et entende les demandes de ses fidèles.

Le contrôle par le Houngan et la manbo à tout moment est d’une grande importance, surtout pour le novice, car il leur incombe de façonner l’apprentissage de celui-ci en ce qui concerne la conduite adéquate pendant la théomorphose.

Maximilien affirme que la Théomorphose n’est pas un dédoublement de personnalité. Il l’appelle plutôt une manifestation de personnalité additionnelle, préalablement conçue, parce qu’au cours des crises, le moi n’est pas anéanti. Elle est le résultat d’une longue préparation pendant toute sa vie qui a créé chez le vodouisant une susceptibilité spéciale qui fait partie de son naturel.

Maximilien postule que l’adepte, dès son enfance, est soumis à une ambiance qui lui crée des réflexes qui contrôlent ses réactions. De par sa formation antérieure, il a en lui-même des conditions optima de réceptivité, une formation imprégnée de croyances religieuses qui sera à la base de ses comportements futurs. Maximilien postule que la théomorphose est:

…Un phénomène nerveux, d’ordre suggestif qui se réalise de façon extrêmement aisée chez une catégorie d’individus antérieurement préparés quant aux éléments qui constituent le contenu de la crise et quant au déclenchement de la crise par rapport à l’ambiance. (Maximilien 1945:58)

…/…

ALFRED MÉTRAUX

Métraux commence par faire remarquer certaines apparences d’anomalie au début de la théomorphose:

Dans sa phase initiale, la transe se manifeste par des symptômes de caractère nettement psychopathologique. Elle reproduit dans ses grand traits le tableau clinique de l’attaque hystérique. (Métraux 1958:107)

Toutefois, il ne tarde pas à rejeter ce point de vue en faisant appel au témoignage de Melville Herkovits:

Il y a une vingtaine d’années déjà, Herkovits réfutait cette interprétation en soulignant l’aspect contrôlé et il constitue un moyen normal d’entrer en rapport avec les puissances surnaturelles. Le nombre de personne sujettes à la possession est trop grand pour que leur soit accolée l’étiquette d’hystériques, à moins de considérer l’ensemble de la population haïtienne comme atteinte de troubles mentaux. (Métraux 1958:121)

…/…

Les résultats des recherches sur la transe en Haïti et ailleurs ont été publiés à travers les années, mais nombreux sont ceux qui posent encore les mêmes questions: la théomorphose est-elle du ressort de la théologie ou des sciences occultes? nous trouvons-nous en présence d’états mentaux qui relèvent de la médecine? S’agit-il d’états normaux ou paranormaux dont la compréhension échappe encore à nos hommes et femmes de science?

En réponse: Nil novi usque ad presæns. Rien de nouveau jusqu’à présent. Il est vrai qu’on n’est plus à l’époque conformiste des Dorsainvil et Price-Mars, car il y a eu des changements de méthodologies et d’attitudes apportés par Louis mars,  Maximilien, Métraux, E.Douyon, etc. mais jusqu’à nos jours, les voies empruntées par les chercheurs ont conduit à la postulation d’hypothèses, et non pas à de vraies théories. Arrivera-t-on à valider ces hypothèses?

Après des dizaines d’années de recherches, doit-on conclure que les thèses et hypothèses existantes ne dépasseront pas les limites de leurs frontières actuelles, et que le reste tombe plutôt dans le domaine de la foi religieuse des individus. c’est dire que l’adepte qui agit d’une certaine façon, sans même y penser, le fait parce que sa foi religieuse et le comportement correspondant lui ont été inculqués dès les premières années de sa plus tendre enfance par son environnement. Il s’agit d’un apprentissage, à la “We are born to speak” de Noam Chomsky, c’est-à-dire à l’instar du jeune enfant qui, tout naturellement, fait l’acquisition de sa langue maternelle sans que personne n’ait à la lui enseigner.

Remarquez que nous ne parlons pas de “conditionnement de réflexe”, mais plutôt d’acquisition naturelle d’une capacité mentale.

Pour finir, disons que la science et la logique ont plein droit à notre respect. Mais on doit certes ce même respect à la foi des adeptes; il faut accepter leurs croyances comme elles sont: dans toutes les religions, il y a de ces inexplicables connus sous le nom de mystères, auxquels les fidèles croient. Allez donc demander, par exemple, à un catholique d’expliquer scientifiquement ou logiquement, le mystère de l’assomption!

Étude ethno-descriptive G.A. férère; Ph.D

Le vodouisant qui souhaite s’assurer le concours d’un Lwa pour atteindre un but précis ou pour se mettre sous protection mystique peut demander auprès d’une autorité Vodou un Mariage Mystique.

La même initiative peut être prise par une entité qui souhaite s’attacher à un mortel pour une raison précise.

Lorsque l’initiative découle d’une essence tels que les Lwas, l’entité peut dans l’éther s’unir avec le mortel, mais si c’est le fidèle qui décide de se lier, ce dernier devra avoir recours à un canal tel qu’un houngan, une Mambo ou un Bòkò.

Car il est difficile pour un fidèle même initié au premiers degrés de capter l’attention d’un esprit afin de l’inviter à s’unir et il est de toutes façons de rigueur qu’un haut gradé du Vodou se charge de la cérémonie.

Lorsque un Lwa et son conjoint mortel ont prononcés les paroles rituelles et échangés les anneaux en signe de foi promise, ils savent que dorénavant ils auront un destin commun et pourront compter l’un sur l’autre. Qui dit mariage dit aussi obligations et responsabilités. Si le Lwa protège et garde un œil attentif sur le mortel, ce dernier doit recevoir de la part de son fidèle compagnon des présents et des attentions toutes particulières. Chaque semaine, une nuit sera dédiée à l’essence épousée, cette nuit sera déterminée par le Lwa choisit. Durant cette nuit, le fidèle devra réaliser un service Vodou pour l’entité, et ne devra se réserver qu’à son époux mystique jusqu’à l’aube.

Accorder la dite nuit à un mortel équivaudrait à un adultère et certain lwas savent se montrer très jaloux! Les conséquences peuvent être dramatiques pour l’époux terrestre.

Beaucoup de Vodouisants ne franchissent pas le cap et ne s’unissent pas en raison des frais élevés de la cérémonie. Car c’est au fidèle de fournir les offrandes et apparats et nombreux également prennent peur vis à vis de l’importance de l’engagement.

Dans de nombreux Houmfors le Mariage Mystique est réalisé sous les apparats d’un mariage traditionnel , avec témoin et dignitaires religieux, un contrat en bonne et dues formes et rédigé et signé de la main de l’époux terrestre.

Le père Savane du Houmfor prononce les formules rituelles.

Les deux anneaux sont passés au doigt de l’époux terrestre, l’entité est invoquée selon le protocole qui lui est rattaché.

Mariage Mystique avec Ezili Dantor par Mambo la belle Déesse. (Montréal)

Mariage Mystique avec Ezili Dantor par Mambo la belle Déesse. (Montréal)

Libations, tambours, apport d’offrandes, le marié terrestre in fine, devient le chwal et tombe en transe, possédé par l’entité rattaché à lui. Les transes cessent souvent brusquement et la fête se termine par la série des danses en l’honneur des principales divinités Ginen.

Le mariage mystique n’est donc pas un vulgaire rituel à ajouter à la liste des services et actions du Vodou. Ce dernier n’est pas non plus le fer de lance du Vodou Haïtien. Il remonte à de vieilles traditions de l’Afrique.

Chez les Ashanti de la Côte d’or, lorsqu’une essence souhaite s’unir à un mortel, elle se jette sur lui et le fait tomber en transe.

Chez certaines tribu d’Amazonie, de nombreux sorciers se lient d’un pacte avec ce qu’ils appellent un Yoshi afin de pouvoir sceller un partenariat mystique. Et le protocole ressemble fortement à un mariage.

Donc réfléchissez bien les amis avant de vous engager, car le Mariage Mystique est une démarche sérieuse. Il est de toutes façons de rigueur à mon sens que l’époux ait déjà connaissance de l’essence à laquelle il devra s’unir pour le meilleur… Et pour le pire.

Le service Vodou, ou communément appelé dans le culte “Sèvis Lwa” est une cérémonie en l’honneur d’une ou de plusieurs divinités offerte par ceux qui les vénèrent ou par les officiants d’un Houmfo. Bon nombre de ces solennités s’appellent Manjè Lwa, parce  que l’un des moyens dont dispose un serviteur pour montrer sa fidélité à ses Lwas et obtenir leurs faveurs est de leur offrir leurs mets favoris.

Service Ogou Ferraille

Service Ogou Ferraille

Les lwas attendent à ce que ces services soient organisés régulièrement. C’est l’un des prix qu’ils imposent aux vodouisants pour que leurs prières soient exaucées. Même pour les services qui ne portent pas le nom de Manjè, le cérémonial de la religion exige que des aliments soient préparés rituellement, présentés aux lwas et consommés par les Chwal. Les manjè représentent également l’occasion de festivités sociales dont l’éclat dépend des circonstances du moment et des moyens de l’amphitryon. Ils peuvent être offert  en rapport avec les vivants ou les morts. Parmi les plus importants citons:

…/…

La liste est encore longue, nous détaillerons chacun de ces rites plus tard.

Contrairement à ce que croient généralement les profanes, la plupart des services Vodou ne se font pas au secret. À l’exception de certaines phases de l’initiation Kanzo et du Pran Ason qui se déroulent à l’intérieur du Djévo, les cérémonies sont ouvertes au public. D’ailleurs elles sont en même temps des réunions sociales auxquelles sont invités non seulement les membres de la congrégation, mais aussi leurs parents et amis, et les voisins. Et même un étranger, un inconnu, ou un curieux qui se présenterait en respectant les règles normales du savoir-faire sera reçu courtoisement.

Le déroulement des cérémonies n’est pas régi par une standardisation rigide. Il varie avec les Lwa honorés, le but du service, les vœux des fidèles, les décisions des Houngan et Mambo et est sujet aux goûts et coutumes du temple, de la ville, du Lakou. …/…

Quelques petits détails peuvent donc changer mais le canevas principal reste le même quasiment partout. Au début des cérémonies et conformément à l’étiquette établie, les dignitaires se saluent par des gestes rituels appropriés à leur grades respectifs: Génuflexions, pirouettes simples ou multiples, signes de la tête et des main, prosternations, le baise-terre étant de tous le plus obséquieux, etc…

Après les premières salutations viennent les prières et invocations au “Gran Mèt” Olouhoum!!! soit en Français, soit en Créole ou en Latin. Le premier lwa à être invoqué dans toutes les cérémonies est toujours Legba, gardien de toutes les clés, patron des foyers et maitre des chemins, intermédiaire entre le Gran mèt et les autres Lwa et à qui tout le monde chante:

PAPA LEGBA, LOUVRI BARYÈ A POU MWEN

ATIBON LEGBA, LOUVRI BARYÈ A POU M PASE.

VODOU LEGBA, LOUVRI BARYÈ A POU M ANTRE

M VIN SALYE LWA YO

papa Legba , ouvre-moi la barrière,

Atibon Legba, ouvre moi la barrière que je puisse passer,

Vodou Legba, ouvre moi la barrière que je puisse rentrer

Je viens saluer les Lwas.

…/…

C’est ensuite le traçage des vévés sur le parquet du Péristyle par un Houngan  ou une Mambo. Pendant ce temps les chants du chœur et le rythme des tambours invitent déjà l’assistance à ce préparer pour les danses. Après une intervalle de musique et de danses, on procède à la présentation des offrandes et au rituel du sacrifice. Suivent les danses rituelles au son de la musique des tambours, de l’ogan, du triangle des flûtes, des sifflets et des chants du chœur des hounsi. Cet aspect artistique  de la religion et l’un des plus intéressants et revêt une importance capitale.

C’est au cours de ces danses que se produit le phénomène le plus fascinant du Vodou: L’incarnation des Lwas que nous appelons THÉOMORPHOSE.

ÉTUDE ETHNO-DESCRIPTIVE G.A.FÉRÈRE

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L’acuité de cette question est aujourd’hui plus grande quand on tient compte du nombre croissant d’allégations de toutes sortes faites au sujet du vaudou haïtien depuis le séisme du 12 janvier 2010. Des jugements de valeurs de directeurs d’opinion, les omissions des uns et les inclusions tapageuses des autres créent un ensemble de biais dans la compréhension du phénomène. Faisant souvent appel à des considérations extra-religieuses pour soutenir leurs positions, leurs propos risquent de se révéler au bout du compte anti-religieux. Il y a là matière à se demander comment toucher ce sujet si sensible. La logique nous contraint à nous référer tout simplement à la définition largement acceptée de la religion à savoir un fait psychologique, culturel et social.Les esclaves africains propulsés à St-Domingue, expérimentant des conditions inhumaines, misaient sur leurs rites ancestraux pour puiser réconfort, et cultiver une sorte de liberté intérieure en vue d’adoucir leurs âmes endolories. Leurs rituels leurs ont permis d’exploiter une approche communautariste pour se mobiliser derrière un objectif commun qui était la fin de l’esclavagisme et la liberté effective des noirs. Le vaudou haïtien était donc né. Cette démarche d’il y a plus de 200 ans répond clairement à l’attribution de fonction sociale que Bergson colle au vocable de religion dynamique dédiée à la poursuite d’une organisation sociale harmonieuse avec une impulsion inventive de survie. Ce que corrobore Nietzsche quelque part quand il fait référence au nihilisme que la religion peut contribuer à surclasser en favorisant de nouvelles valeurs.Certains critiques s’aventurent à rejeter d’un revers de main le caractère religieux du vaudou haïtien en le confinant de préférence à de simples pratiques occultes. Pourtant, l’essentiel du vaudou est très proche du catholicisme. Analysez vous-mêmes! Le Vaudou, comme le catholicisme, vénère Dieu, cet être suprême invisible, omniscient, omnipotent et omniprésent. Pendant que les catholiques font appel à d’autres divinités appelées «saints» à titre d’intermédiaires entre l’homme et ce Dieu, les vodouisants interpellent les «Lwas» comme intercesseurs. Saints et Lwas auraient donc la même vocation, celle d’intervenir auprès de Dieu pour les marques de faveur que demandent incessamment les croyants d’après l’essence et le sens même du concept de culte religieux développé par Emmanuel Kant. Alors, pourquoi le catholicisme serait une religion, le vaudou, pas?

Pour bien asseoir leurs arguties, d’autres analystes évoquent avec impertinence le sacrifice d’animaux pratiqué par les vodouisants, lui administrant in fine une connotation diabolique. Il est curieux de constater qu’ils ne disent mot de la fameuse substitution du bélier à Isaac lors du sacrifice d’Abraham que les chrétiens célèbrent. Ils passent en outre sous silence l’aid el-Kébir, la commémoration annuelle chez les musulmans du sacrifice d’Ibrahim, au cours de laquelle chaque famille doit immoler un mouton. Pourquoi le christianisme et l’islamisme seraient des religions, le vaudou, pas?

On est donc forcé de croire que les diatribes contre le vaudou haïtien viennent de tenants d’une certaine thèse comparative et discriminante qui prône sinon une hiérarchisation, du moins une catégorisation des religions où le christianisme serait l’instrument de mesure de perfectibilité des autres religions.

Oh non! Il n’y a pas de religion supérieure à une autre. Malgré toutes les considérations déformées, déformantes et déformatrices émises à l’encontre du vaudou haïtien, il reste foncièrement une religion. Selon le théoricien Emile Durkheim, chaque religion est tributaire de sa propre société. Marx, de son coté, y voit un élément fondamental autour duquel s’organise cette société. Aussitôt on comprend aisément pourquoi le protestantisme est associé au développement du capitalisme. Pourquoi le confucianisme a la réputation d’avoir formaté l’idéal politique, la vertu et l’éducation typiques de la Chine. Pourquoi l’arabisme, l’idéologie du nationalisme arabe, doit son fondement à l’islam. Enfin, pourquoi le vaudou représente le symbole de la résistance des esclaves à la traite négrière, de la lutte pour l’émancipation des noirs et l’un des jalons du noirisme.

Nous résistons à l’envie d’aborder ici le domaine des pratiques religieuses du vaudou et de leur signification. A notre avis, elles sont impénétrables, intouchables même, comme celles de toutes les autres religions, et insaisissables comme l’explication du choix religieux d’une personne. Tout cela relève du mythe, ce labyrinthe entretenu par l’origine des temps et la fertilité de l’imagination.

La bible dit que les choses révélées sont aux hommes, les choses cachées sont à Dieu. Les créoles le reprennent à leur façon en stipulant: «pa fouye zo nan kalalou». À celui qui se croit doté d’un esprit fort pour percer les secrets de la nature et s’élever au-dessus des superstitions, nous répondrons sagement comme Jesus: «Que celui qui n’a jamais péché, jette la première pierre».

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