VODOU & PAIX

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Le sujet qu’a proposé S.E. Monsieur l’Ambassadeur Paulo Cordeiro de Andrade Pinto, Honorable Ambassadeur du Brésil en Haïti, thème sur lequel j’ai été enjoint de me pencher aujourd’hui, d’y réfléchir et de venir vous en rendre compte à ce Séminaire sur la Religiosité Afro-américaine au Brésil et en Haïti : « Vodou et Paix » annexe, à mon avis, par une coordination enthousiasmante deux concepts qui me semblent tout à fait indépendants, fort controversés tous les deux évidemment et, dans les deux cas, extrêmement fluides et fluctuants… celui de Vodou, d’une part, et de Paix, de l’autre.

Incidemment, je les trouve controversés parce que pour certains Haïtiens, et particulièrement pour ceux qui ont grandi et étudié au sein d’une certaine école à tendance féodale faite pour ceux qui doivent s’estimer supérieurs par ce qu’ils évoluent au sein d’un groupe qu’ils appellent pompeusement « Principauté », au point de se croire les seuls capable d’organiser tous seuls des élections dans leur pays en plein XXIème siècle, le Vodou veut dire une certaine chose. Il en va tout autrement pour les autres qui se sentent tout aussi Haïtiens qu’eux et aussi chez eux.

Citons en exemple ces propos que nous relevons de la bouche d’un des représentants du premier groupe:

· « Le Vodou n’est qu’une activité profane, qu’une sorte de sorcellerie satanique qui ne comprend que des danses orgiastiques qui n’ont rien de religieux. Sans dogme, sans doctrine, sans moralité, sans moyens de sanctification, en un mot sans système de valeurs, le Vodou ne présente qu’un culte voué à des créatures spirituelles autres que Dieu et ne cultive que la haine chez ses adeptes. Maléfique donc, concluait ainsi un soir le Père catholique Claude Etienne à la Radio Nationale le 6 Mai 1986, le Vodou doit être détruit. »

On peut évidemment concevoir que dans l’esprit de ces gens, le Vodou ne saurait jamais servir d’instrument capable d’engendrer la paix dans aucune société. Et pour notre part, nous ajouterions même, bien qu’en souriant, que nous cesserons jamais de dire des vérités à leur sujet et nous cesserons jamais aussi de les pointer de l’index, que le jour où eux, ils cesseront de mentir au sujet du Vodou.

Pour les autres Haïtiens, cependant, pour ceux qui constituent la majorité de la population, le Vodou est une religion vivante, conçue et élaborée par le génie culturel de leurs Ancêtres Amérindiens et Africains, religion qui avait existé depuis la plus haute antiquité. Selon eux, pas meilleure ni moins bonne qu’une autre, le Vodou répond de la façon la plus adéquate aux aspirations spirituelles du peuple de ce pays.

En tant que religion, le Vodou est cru par eux, et est toujours pris au sérieux par cette vaste majorité, ce qui d’ailleurs n’a jamais rien eu à voir avec son acceptation par les instances officielles. Il a toujours proposé des solutions morales aux problèmes nationaux et pour cette raison, il a créé chez nous l’ambiance sociale nationale Vodou qui est indiscutable. Elle a aussi entretenu l’atmosphère de solidarité reconnue qui vise à porter la majorité des membres de la nation haïtienne à fraterniser entre eux et à s’accorder une aide mutuelle.

Aux yeux donc du Vodouisant, le Vodou s’est toujours présenté comme étant une Tradition religieuse, une cosmogonie, une cosmologie, une mythologie, un art de vivre et un corpus de savoir dont la philosophie s’exprime dans l’oralité. Son volet purement religieux sert de charnière non seulement à toutes les activités spirituelles, mais encore à toutes celles qui relèvent des domaines variés de l’économie, de la santé, de la politique…, du social en général.

Il tend donc à rendre hommage à un Dieu Unique en vertu de cette unique raison que Celui-ci, ou Celle-ci, qu’on nomme familièrement « Papa Bondjé, Bondjébon ou Bondjé Manman mwen », se trouve être la Source de toutes vies et le Principe Premier de la Création et aussi dirige avec compétence depuis des millénaires ou même des millions d’années le « Gouvernement de l’Univers. »

Pris en ce sens, le Vodou se présente donc en tant que véritable moteur de développement, en tant que véritable modèle, en tant que parangon, en tant que prototype du monde sensible dans lequel nous vivons. Et, naturellement comme tels, nous pouvons sans trop de difficulté manier ce concept et l’articuler autour d’une certaine idée que nous nous faisons de la Paix, paix que nous recherchons tous ici, aujourd’hui, en Haïti.

Après une mûre réflexion sur le thème proposé, nous réalisons que les idées de Paix et de Religion semblent avoir été de tous temps des compagnons naturels qui cheminèrent ensemble à travers le cours de l’histoire de l’humanité.

Ensemble, ils ont fait leur route dans le monde, conditionnant la vie de bien des peuples de cultures différentes, et dans bien des pays. Serait-ce parce que ces temps derniers de nombreux leaders de diverses religions, des Ayatollah par exemple, ou plus près de nous, des « pasteurs blasés » ont eu à conduire leur peuple souvent avec une violence certaine, et qu’ils auraient engendré des fois des guerres qui souvent peuvent sembler être des guerres d’extermination, serait-ce ce qui aurait donner au sujet tout son intérêt ?

Il est généralement admis qu’une religion qui se veut digne de ce nom ne peut être considéré comme valable que si elle s’institue en tant que source de paix pour les individus et pour les sociétés au sein desquelles elle se pratique et cela semble être aussi un axiome tout aussi évident que d’affirmer que tous les êtres humains dans le monde recherchent naturellement la spiritualité, la tranquillité et la paix.

Mais, quand on est Haïtien et qu’on est aussi Vodouisant, peut-on tout de même s’oublier et parler, en ce 22 Août 2005, en toute décence, de religion, de guerre et de paix sans tenir compte du fait que le 22 Août ramène l’anniversaire de cet évènement extraordinaire qui aboutit à la création de la Nation ? Cette date, en somme, ramène pour nous l’anniversaire de ce premier Congrès Panafricain qui eut lieu chez nous, en Haïti, Le Bois Kayiman et ce Congrès déboucha sur l’un des moments les plus déchaînés de l’histoire des révolutions : la guerre d’Indépendance?

En somme, du 14 au 21 Août 1791, 200 Hougans et une Mambo s’étaient réunis dans une clairière du Nord du pays, lieu de répit qui portait alors le nom de Bois Kayiman dans le but de mettre au point cette révolte finale des esclaves de St. Domingue.

Un ancien esclave du nom de Boukman Dutty en était le chef. Mais on doit aussi rappeler ici sans vouloir déranger le repos de leur âme, les noms de certains des leaders héroïques tels Georges Biassou, celui qui, peu de temps plus tard, avait fait de Toussaint Louverture son aide de camp, aussi bien que les noms de Jean François, de Jeannot l’intrépide, de Romaine la Prophétesse, de Marie Kenge, de Halaou, de Sans Souci, de Petit Noël, de Tellier, de Cagnet, de Va Malere, de Cacapoul, de Lamour Dérance… et de tant d’autres anonymes guerriers qui entrèrent vivants dans l’histoire de notre pays sous le vocable globalisant et collectif de « Marrons Inconnus. »

La révolte qui s’en suivit débuta en effet le lendemain, le 22 Août 1791. Elle fut épique en fait d’accomplissements tout autant sur le terrain que par ses répercussions dans le monde. Les habitations de L’Acul, du Limbé, de Flaville et de Le Normand s’envolèrent immédiatement en fumée. Au dire des historiens, St. Domingue devint instantanément un enfer dans lequel les plantations s’embrasèrent et fumèrent pendant des mois.

Transformée au bout de deux ou trois ans en véritable guerre d’Indépendance, cette révolte dura treize longues années. Bien sure, il y eut sans nul doute, des batailles où les Français furent mis en déroute et d’autres où les esclaves durent reculer et réorganiser leurs mouvements de résistance.

Mais la victoire finale advint à Vertières le 18 Novembre 1803. Le succès revint aux esclaves qui réussirent à renverser, une fois pour toutes, l’ordre colonial qui s’était installé sur cette terre depuis plusieurs siècles. Ainsi se termina le temps de l’esclavage à St. Domingue. Cette guerre devait établir, sinon pour le monde entier, tout au moins pour le nouveau pays qu’il engendra, Haïti, un nouvel ordre social axé sur un système où devaient désormais régner la liberté, la fraternité, l’amour, la justice, l’équité, l’égalité et la paix pour tous, et à jamais.

Sur de telles bases, s’était forgée la nation haïtienne.

Ce faisant, ces fondements établissaient ce pays comme étant la première nation noire et indépendante du monde et, du même coup, ils mettaient fin au vieux mythe de suprématie blanche, à la mode à cette époque. Haïti se voulait d’être un parangon de liberté pour tous, une sorte de Mecque non seulement pour les esclaves importés d’Afrique qui se trouvaient à St. Domingue, mais aussi pour tous ceux qui se sentaient opprimés et abaissés n’importe où dans le monde.

L’impact de cette victoire contraignit par exemple la France à vendre sa possession américaine, la Louisiane, pour seulement une valeur de 15 Million de dollars, c’est-à-dire environ à 10 centimes américains l’hectare.

Simon Bolivar, le héros de l’Indépendance du Venezuela, de la Colombie, du Pérou, de la Bolivie et de l’Equateur, en deux fois, reçut du support en argent, en armes et en munitions des Haïtiens contre la simple promesse de libérer les esclaves partout où il serait victorieux.

Francisco Miranda, un autre général Vénézuélien sollicita et reçut aussi de l’aide des Haïtiens. En 1820, ce furent les Grecs qui demandèrent à leur tour et reçurent aussi de l’aide de cette jeune nation dans leur lutte de libération contre les Turcs.

Or, à la lumière de cette glorieuse histoire, on est amené à se demander qu’est-ce que c’est que la guerre et qu’est-ce que c’est que la paix, et comment avec une nouvelle compréhension de la guerre, de la paix, et aussi du Vodou pourrait-on atteindre cette idéal de paix tant souhaitée par tous ? Quelles seraient donc les caractéristiques essentielles qu’on trouverait dans le Vodou, en tant que religion traditionnelle haïtienne, qui pourraient être utilisées dans une perspective de recherche de paix et comment la vision du monde vodou pourrait-elle être utilisable avec efficacité.

Disons d’abord qu’il ne faudrait pas que l’on se sente gêné par le fait que le Vodou s’exprime dans l’oralité. On y trouve encore aujourd’hui une vaste panoplie de documents oraux très respectés dans notre société. Ce sont nos contes, nos proverbes, nos charades, nos chansons d’enfants, nos prières et nos chansons sacrées.

Ensemble, ils constituent de véritables véhicules qui charrient les parties essentielles de la philosophie populaire haïtienne. Tout cela fait partie de notre patrimoine et il ne tient qu’à celui ou à celle qui veut d’en tenir compte ou tout bonnement de les rejeter. Evidemment, l’honnêteté intellectuelle la plus élémentaire permet à tous de comprendre que nul ne saurait prétendre appréhender et comprendre aucun fait significatif haïtien ou même cette religion, et partant aucune partie de l’âme haïtienne, en y faisant abstraction.

Avouons ensuite qu’il faudrait aussi saisir le fait que le Vodou n’est pas une religion apostolique. Elle ne cherche jamais à convertir des âmes. Ses vérités religieuses sont naturellement comprises par tous. Elles se doivent d’être comprises par tous comme étant évidentes à la raison de tous. Tous les individus considérés comme intellectuellement normaux ne devraient pas avoir besoin de persuasion ou de coercition pour les accepter.

L’existence de Dieu et aussi son pouvoir sur l’univers, l’immortalité de l’âme, la liberté de la volonté sont tous, pour le vodouisant, des vérités tellement évidentes par elles-mêmes que chacun peut les travailler à sa propre façon. Ceci fait partie de l’héritage commun de tous les Haïtiens et surtout de l’héritage familial. De telles caractéristiques ne peuvent que rendre stupéfaits ceux qui essaient de dogmatiser en matière de Vodou afin de rendre leur religion similaire aux religions chrétiennes.

Il est vrai que quand on veut chercher on peut bien trouver des points qui sont communs à toutes les religions, particulièrement en ce qu’il s’agit de la croyance, du culte ou de la façon d’adorer ou d’honorer la Divinité, et surtout quant il s’agît de la moralité.

a) Sur le plan de la Croyance, il convient tout de même de préciser que :

Le sujet et l’objet du Vodou s’exprime par la croyance en Dieu, le Grand Maître, en les Lwa ou Divinités qu’on appelle aussi Vodou, Zangn, Zing, Congo ou Orisha, Pwen, Gad.., dépendant de l’origine ethnique de celui ou de celle qui le sert en un endroit particulier du pays, et révérence est toujours faite aux Ancêtres qui sont ceux qui ont légué aux Haïtiens la terre où ils sont nés et la plus grande partie de leur savoir pratique.

« Djé pa l’óm ou Nèg pa Bondjé » répète souvent le Vodouisant pour affirmer que, selon lui, dans sa croyance, aucun individu ne peut se réclamer d’être Dieu même s’il s’appelait Jésus Christ, Dessalines ou Toussaint Louverture. Dès lors qu’un individu a eu un corps et une existence sur terre, celui-ci ou celle-ci est considéré comme étant potentiellement imparfait et est automatiquement exclu de ce qualificatif qu’on désigne sous le vocable de Dieu.

Dans le Vodou, Dieu est clairement compris comme étant cet Etre unique et immatériel, comme étant cet Etre suprême doué d’émotion, de volonté et naturellement du maximum d’intelligence et de savoir. Parmi ses attributs, il faut compter avec son omniscience, son omnipotence, sa bonté infinie et son sens de la justice.

Généralement perçu comme étant masculin, « Papa Bondjé », il est nettement féminin dans les cas de détresses, « Bondjé Manman mwen ! » Il est le Créateur de tout ce qui existe et qui vit, Il se manifeste en tout ce qui vit, dans le fait même de vivre. Pour le Vodouisant, il n’y a aucun risque de Panthéisme puisque cet Etre Suprême est perçu comme étant une personne.

A la fois immanent et transcendant, Dieu n’est jamais absent ni distant. Tout au plus, Il ne peut être que, des fois, endormi, dans son sommeil.

Rapportée dans un grand nombre de livres d’Histoire, la prière de Boukman au Bois Kayiman montrait déjà combien Dieu était Celle qui créa le soleil, la lune, les étoiles, la terre et la mer. Elle réside par-delà les nuages d’où Elle fait au besoin tomber la foudre et gronder le tonnerre. Elle dispense les pluies fertilisantes qui font pousser les plantes. Infiniment bonne, Elle diffère du Dieu des blancs qui semble n’avoir soif que des larmes des humains. Ce paragraphe est ma propre traduction en Français de cette prière qui suit :
Lapriyè Boukman

Bondje ki fè solèy ki klere nou anwo,

Ki souleve lanmè, ki fè gwonde loray,

Bondje la zòt tande kache nan yon nuyaj,

E la a, li gade nou, li wè tou sa blan an fè.

Bondje blan an mande krim e pa nou an vle byenfè.

Men Dje pa nou an ki si bon òdonnen nou vanjans.

Li va kondui bra nou, li va bann asistans.

Jete pòtre Dje blan an ki swaf dlo nan je nou.

Koute la libète ki pale nan kè nou tout.

Trop vaste et trop grand pour être appréhendé par aucune intelligence humaine, tout ce qu’on peut savoir de Dieu ne peut se reconstituer qu’approximativement à partir d’une somme d’images que le Vodouisant appelle « Lwa. »

Les Lwa sont des images détaillées de Dieu. Ils en seraient comme des facettes ou comme des énergies vibrantes et agissantes qui émaneraient d’Elle, des figures parfois éblouissantes et rayonnantes (Lwa blancs) qui laisseraient entrevoir sous forme d’hommes, de femmes ou même d’enfants, certains de Ses traits ou de Ses caractéristiques.

N’ayant jamais eu de corps ni de substances, les Lwa sont toujours justes et bons. Ils sont la Source et la Vertu de toutes les vertus, en même temps qu’ils sont aussi ceux qui planent par dessus tout ce que l’on peut exprimer par des paroles.

Les Lwa peuvent donc être compris, et se doivent d’ailleurs toujours de l’être, comme étant des énoncés d’une doctrine qui s’exprimerait par l’Exemplarité, c’est-à-dire par l’exposition d’archétypes ou de modèles exemplaires de choses sensibles et transcendantes dont l’ensemble constitue le Dieu de l’inconscient collectif du Vodouisant haïtien.

L’ensemble des Lwa montre bien qu’il ne s’agît plutôt que de concepts qui transforment en personnes sacrées des idées les plus abstraites et les plus générales, un peu comme les (a + b) le font en mathématiques, mais qui contiennent toujours des notions vitales pour le monde. En tant que concepts, ils réduisent les données du sensible à l’intelligible et ils permettent ainsi de mieux organiser les connaissances.

Les Ancêtres sont tout autre chose, une autre catégorie d’esprits qui accompagnent la Divinité de la Mort, Baron Samedi. Ce sont les Guédés. Ils sont toujours salués en fin de cérémonie quelque soit le rite.

Mais, il ne suffit pas d’être mort pour être qualifié d’esprit Guédé ou Ancêtre, il faut encore que ce défunt ait vécu une vie bien remplie, intègre et morale, une vie de « gwètò. » Le terme de gwètò nous vient de la langue Fon des Béninois. Il serait constitué par la particule « gwè » qui veut dire connaissance et « tò » qui veut dire celui qui le possède. L’implication est que la mort est le lieu de vérité et qu’en fait de connaissances on ne peut donner que ce que l’on a. Les « gwètò » sont en réalité ceux qui possèdent la connaissance.

b) Au niveau du culte

En tant que religion, le Vodou englobe la vie comme un tout et le culte touche pratiquement tous les aspects de cette vie. A strictement parler, seul Dieu à travers les Lwa est honoré, adoré ou vénéré dans les cérémonies vodou et celles-ci généralement s’accompagnent de sacrifices, d’offrandes, de prières, de chants sacrés, de tambours et de danses.

Très mince, donc, se trouve être l’espace qui sépare le sacré du profane, le spirituel du temporel. Géographiquement, à travers le pays, on trouve une quantité de Hounfò ou Temples vodou où les gens se réunissent pour des cérémonies. A ceux-là, il faut ajouter les lieux de pèlerinage, la mer, le seul fleuve qui arrose le pays qui porte le nom de Legba Atibon, (le fleuve Atibon-ito), certaines montagnes et certaines rivières qui sont reconnues pour avoir été sacralisées par la présence de la Divinité.

Mais cela a toujours amusé les Vodouisants quand ils se rendent compte que leurs interlocuteurs confondent des fois ces lieux avec Dieu lui-même et parlent d’animisme !

c) Quid de la Moralité.-

L’un des aspects les plus pratiques de la croyance et de la pratique du Vodou s’observe particulièrement quand on considère la conduite des gens. Cette conduite est basée sur un certain ordre, un ordre cosmique bien établi. « L’ordre sur terre se doit d’être un reflet de l’ordre cosmique. »

Au centre de la moralité se trouve donc être le respect que l’on doit à la vie de soi-même et des autres, vie qui est comprise comme étant le plus grand don de Dieu au monde et à l’humanité. Afin de protéger cette vie et de la garder le plus longtemps possible, Dieu a inséré tous les individus au sein d’une communité ou collectivité, et c’est au sein de cette collectivité que l’individu poursuit son destin et sa vie individuelle.

Le fait que Dieu lui-même puisse être perçu comme étant homme ou femme, garantit conceptuellement l’égalité fondamentale entre les hommes et les femmes et le fait pour lui de pouvoir être représenté des fois par des enfants, les jumeaux ou marassa par exemple, garantit les droits de l’enfant.

La conservation et la promotion de la vie sont en conséquence les principes déterminant de la moralité dans le Vodou. La diffusion de cette idée est garantie par l’existence même de la collectivité.

De vivre, donc, en harmonie avec la communité devient une obligation morale commandée par Dieu lui-même en vue de la promotion de la vie sur terre.

En tant que religion, le Vodou fournit ainsi les bases idéologiques, l’infrastructure sur laquelle repose cette conception morale qui est essentiellement centrée sur la vie, vie qui doit s’orienter sur celle de la communauté.

C’est ce qui aurait donné naissance à cette phrase célèbre lancée par le philosophe africain John Mbiti, phrase qu’il aurait lancé dans son traité African Religions and Philosophy à la page 108:

« Je suis parce que nous sommes, et puisque nous sommes, en conséquence je suis. »

Elle fût dite en Anglais mais la traduction française est mienne.

Mais ce qui importe, est l’implication qui voudrait qu’il y ait une obligation morale pour tous de maintenir des rapports harmonieux avec tous les membres de sa communauté, de faire tout son possible pour réparer les torts et les cassures que l’on pourrait faire à cette chaîne d’harmonie sociale nécessaire à la survie de tous. On doit toujours travailler au renforcement des liens familiaux et communautaires, tout spécialement en s’appliquant à toujours utiliser les principes de paix, de tolérance, de justice, de bonté, de générosité et d’altruisme.

Ceci ne répond pas qu’à un besoin social, mais à une obligation religieuse qui a à voir avec Dieu, avec les Lwa et avec la volonté des Ancêtres. Ces derniers y veillent toujours et ne manqueront jamais de punir sévèrement tous les contrevenants à ces principes fondamentaux de la vie.

En conséquence, la différence qui existe entre une société vodouisante et une autre qui se réclamerait d’une autre idéologie religieuse est que la crainte en ce domaine ne se dirige pas obligatoirement qu’envers un individu qui aurait pu se sentir lésé et/ou qui voudrait, peut-être, en tirer revanche, ni ne se dirige envers un certain jugement dernier qui adviendra peut être dans le futur, mais dans le Vodou cette justice est immanente et s’exprime envers Dieu, envers les Lwa et envers les Ancêtres qui, eux, sont immuables, permanents et implacables.

Dans le but d’aider l’individu à poursuivre une vie éthique, Dieu a pourvu l’homme d’une possibilité extraordinaire : « l’oracle du cœur. » Ceci équivaut un peu à ce que d’autres pourraient appeler « la voix de la conscience ». C’est la loi et la voix de Dieu qui s’expriment dans le cœur de chacun. L’individu ne vit en paix avec lui-même que quand il obéit à cette voix de sa conscience.

Dans le cas contraire, quand il désobéit, il vit dans la tourmente, dans un état constant de peur et de crainte, crainte des réactions naturelles de la puissance de Dieu ou des Ancêtres.

L’un des moyens les plus courants qu’utilise Dieu pour punir un parjure est généralement la foudre ou le tonnerre, d’où l’importance que prend pour tout Haïtien de prêter serment pour assurer que ce qu’il dit est vrai: « Tonè krazé’m ou Que le tonnerre m’écrase ! » et dans la langue vodou ou Fon parlée au Bénin : « So djèmen ! »

A cause de l’attachement profond de l’Haïtien à sa société, il pratique généralement un sens profond de la justice.

Sans justice, la vie de la communauté devient impossible car, cette société perd son harmonie. Les victimes d’injustices font automatiquement appel à Dieu qu’ils prennent à témoin, parce qu’ils savent que Dieu est avant tout JUSTICE et Justice Absolue. Il voit et sait tout et n’aime pas les injustices.

La moralité dans le Vodou aurait donc par ce fait une dimension cosmique !

La Vision Du Monde Vodou.-

Ce que nous avons vu jusqu’ici montre bien que le Vodouisant croit en Dieu et en les esprits. Le monde, selon lui, est peuplé de Lwa et d’esprits, certains désincarnés tels les esprits de Dieu, des Lwa ou des morts, et d’autres encore sont incarnés tels les nôtres, les animaux ou les plantes. Le Vodouisant croit en les Lwa et en ses ancêtres. Mentalement, il place tous ces esprits de Dieu ou des Lwa à un niveau supérieur au dessus de celui des humains, des animaux, des plantes et des autres objets inanimés.

Toutes ces réalités, selon lui, existent et s’agencent selon un ordre bien hiérarchisé qui aurait été établit dès les débuts du monde par Dieu qui, Lui, serait la source de tout ce qui existe et qui vit. C’est le Règlement !

Il s’agît là d’une vision de la vie qui serait essentiellement spirituelle et dans la quelle les entités qui sont des esprits et les gens se trouvent être en constantes interactions.

Le monde des humains se trouve être, de plus, au centre de tout cet univers spirituel puisque cette vision fait dépendre Dieu et les autres êtres spirituels des humains. C’est aux humains qu’il convient d’organiser des cérémonies afin de les permettre de s’exprimer, de les nourrir, les honorer et, en un certain sens, les entretenir ! Ceci dévie considérablement de la vision de ceux qui croient qu’ils doivent réclamer de Dieu un quelconque pain quotidien.

La vision du monde vodou est donc anthropocentrique.

Les mauvaises choses qui sont toujours menaçantes pour la vie des hommes parsèment le grand chemin de la vie comme des embûches sur la route des humains, comme des avertissements contre les mauvais choix qu’on aurait pu faire ou comme des causes de punitions éventuelles. Ils suscitent toujours la réflexion et contribuent à la formation du « gwètò ».

La liberté de la volonté, l’un des dons les plus précieux de Dieu aux humains, doit donc guider l’individu dans ses volitions. Souvent, on arrive difficilement à saisir la ou les raisons pour lesquelles on a fait un mauvais choix. Est-ce pourquoi, il est des fois nécessaire d’avoir recours à un expert qui serait Hougan ou Mambo, c’est-à-dire prêtre ou prêtresse du Vodou pour qu’il ou elle vous aide à retrouver les vrais raisons qui vous ont poussés à faire ce choix.

Le Vodouisant, en somme, croit que tous les éléments qui se trouvent dans cet univers sont en fait interconnectés, reliés les uns aux autres et aussi liés à Dieu et aux autres êtres spirituels. Rien n’arrive par chance ou par hasard. Quand on n’arrive pas à percevoir ces liens, on parle alors de causes invisibles. Mais les arrangements des choses sont faits par Dieu et ils sont toujours ordonnés par Lui, car c’est Lui, Dieu qui est la source ultime et absolue de l’harmonie universelle, de l’harmonie de la création.

Le but dans la vie consiste donc à obéir à cet ordre cosmique pré-établi et universel et toutes déviations à cette prescription fondamentale, à ce règlement, constituent en fait de mauvais choix. Ils ne peuvent être que fatals pour l’individu. Ce serait comme vouloir attenter à la vie du monde, à l’ordre des choses, à l’harmonie primordiale et à l’équilibre cosmique.

Déranger cet équilibre constitue donc une transgression grave et partant, un acte immoral. C’est comme attaquer le bon ordre de fonctionnement du monde, de la nature et de la paix qui devait garantir au monde la vie, sa croissance, sa survie.

Comment la Paix est-elle conçue dans une telle vision ?

Pour comprendre la vision que se fait le Vodouisant du concept de paix, il convient donc de s’écarter un peu des concepts poétiques qui l’opposent généralement aux conflits et aux guerres. La paix, pris dans son contexte Vodou, doit être perçue en fonction des concepts d’ordre, d’harmonie et d’équilibre universels.

La paix devient alors une valeur religieuse puisque les notions d’ordre, d’harmonie et d’équilibre dans la société et dans l’univers constituent des fonctions qui conditionnent la vie et qu’elles auraient été établie par Dieu. L’obligation qui est faite de les maintenir est de ce fait, religieuse.

Il s’agît aussi d’une valeur morale puisque la bonne conduite qui est requise de tous comprend les notions d’ordre, d’harmonie et d’équilibre qui doivent être préservés.

La Paix en tant que Vie bien remplie.

On a déjà pu se rendre compte du fait que la promotion et l’amélioration de la vie constituaient des principes fondamentaux de la moralité dans le Vodou. Le but qui doit être atteint pour qu’une conduite soit morale est en conséquence celui de la plénitude de la vie.

Une vie est considérée comme étant bien remplie quand elle est caractérisée par de la reconnaissance matérielle, sociale et spirituelle, quand son propre réseau de relation avec le monde spirituel, humain et matériel est vu comme étant satisfaisant.

C’est alors que l’on atteint ce niveau d’existence qu’on peut qualifier de paix, une paix qui conditionne la vie, maintient la bonne santé, prévoit l’absence de conflits, une vie pleine de vigueur et force, de joie, de prospérité… C’est le moment où tout ce que l’on peut désirer de la vie est atteint.

Quand certaines choses considérées comme étant essentielles manquent encore dans la vie, par exemple santé, époux ou épouse, enfants, moyens de survie pour soi ou pour sa famille, ou même quand on a tout cela et qu’on ne jouit pas de bonnes relations avec ses voisins vivants ou morts, on ne peut pas dire que l’on a la paix ou qu’on a une vie bien remplie.

La richesse matérielle tout seul ne suffit pas pour satisfaire l’individu si elle n’est pas accompagnée d’une vie morale intègre ou de ce que nous avons appelé plénitude de vie. Cette richesse desséchée n’est jamais considérée comme souhaitable ni enviable.

Toutes actions qui viseraient à entraver le développement d’autrui et qui empêcheraient à autrui d’atteindre la plénitude de sa vie sont considérées comme étant des accrocs et des entraves à la paix.

L’égoïsme et l’injustice, même quand ils ne sont pas accompagnés d’actes de violence, sont toujours considérés comme des actes anti-sociaux et, en conséquence, ils sont compris comme des actions antagoniques à l’établissement d’un climat de paix.

La Paix, résultat d’une vie harmonieuse.-

L’harmonie est un cas particulier, fondamental et précis de la pensée vodou. Généralement, dans les cas de dispute, on n’essaie même pas de nier ou de contrebalancer les différences. Tous les efforts sont plutôt fait pour trouver une façon dans laquelle peuvent coexister harmonieusement ces différences.

A un niveau tout à fait personnel, une telle harmonie consiste à essayer de concilier les désirs des individus avec les moyens que l’on a. On essaye de mieux coordonner la pensée des gens et à harmoniser les sentiments. On tente plutôt de les re-expliquer par ou avec d’autres phrases ou d’autres images mentales afin de permettre à tous de poursuivre sans se fâcher ses devoirs moraux et religieux.

Celui qui arrive à bien faire cela est celui qui connaîtra la paix intérieure car, dans une communauté, l’harmonie intérieure se retrouve quand on arrive à maintenir des relations extrêmement faciles et fluides avec tous ceux qui vous entoure, qu’on les voit ou qu’on ne les voit pas.

L’interaction harmonieuse avec les autres conduit normalement au renforcement de tous ceux qui se trouvent concernés et cela fait avancer en chacun la croissance de vie. Dans le cas contraire, elles sont une influence pernicieuse qui affaiblit le groupe, menace l’harmonie de l’existence de tous, et même la vie de la communauté.

Delà peut-on comprendre l’expression créole souvent utilisée par le vodouisant à qui on demande comment il va. Il répond tout de suite qu’ « il brûle, m ap boule, m ap debat a la vi a. » Il brûle parce qu’en fait, il fait des efforts pour se percevoir en tant qu’un cierge, comme une bougie, comme une énergie et conscient qu’il lui faut toujours agir activement en faisant des efforts simplement pour continuer à survivre. Il se débat.

Quand il dit simplement « Pé bouch ou » ou, en Français, donne la paix à ta bouche, c’est qu’il constate que tous les efforts ont été fait jusqu’ici pour maintenir cette harmonie, cet équilibre, cette bonne conduite, et que seul ce qu’on va, ou qu’on peut dire peut les détruire.

On interpelle ainsi une valeur cosmique et morale vodou qui se doit d’être préservée afin de maintenir La Paix dans la famille ou dans la société et peut être même dans le monde international, ce qui engendrerait les disputes et les guerres, et où il n’y a toujours que des perdants.

Max G. Beauvoir

Ati National Federasyon Nasyonal Vodouyizan Ayisyen (F.N.V.A.)

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