DEUX TYPES DE CHAMANES AU JAPON: LE MÉDIUM ET L’ASCÈTE

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 IL est toujours intéressant d’aller à la rencontre des autres spiritualités pour ce rendre compte de l’universalité des pratiques… La britannique Carmen Blacker, assistante au département de langue japonaise de l’université de Cambridge, a mené une recherche approfondie sur les pratiques chamaniques au Japon. Elle démontre que ces dernières ont différentes origines, notamment la Sibérie et la Polynésie, et qu’il existe deux sortes de Chamanes au Japon.

 

Aujourd’hui encore, bien qu’un laïcisme intransigeant tende à s’imposer dans les cercles d’intellectuels japonais, la croyance qui veut que les causes de toutes les calamités affligeant l’existence des homes trouvent leur origine dans le royaume des esprits demeure bien ancrée au sein de certains groupes de la communauté:  maladies, accidents, sécheresse, incendies sont, à leurs yeux, l’oeuvre de fantômes en colère ou d’entités numineuses offensées. Pour découvrir les causes de ces malheurs, il est donc nécessaire de pénétrer l’autre dimension, où vivent ces êtres, et se demander quel esprit en est responsable et la raison de sa colère. (…)

Bien que les hommes et les femmes ordinaires soient incapables d’en découdre avec ces forces périlleuses et ambivalentes, certains humains peuvent acquérir un pouvoir qui leur permet de transcender la barrière  séparant les deux mondes. Ce pouvoir n’a rien en commun avec la force physique ou l’agilité mentale dont nous jouissons habituellement. Relevant d’un tout autre ordre, il est acquis par des moyens qui affaiblissent souvent la santé et la vigueur de l’individu, apparaissant parfois chez des garçon quasi idiots. Ce pouvoir spécial permet d’effectuer une rupture de niveau, de façon à atteindre un pont pour rejoindre l’autre rive et, ainsi, d’influencer les êtres qui y demeurent.

J’ai utilisé le terme “chamane” (…) pour désigner les personnes qui ont acquis ce pouvoir; des personnes qui, dans un état de transe dissociative, sont capables de communiquer directement avec ces êtres spirituels. Au Japon, ces individus apparaissent sous deux formes complémentaires: La première que, je qualifierai de médium ou miko, est personnifiée par Teruhi la sibylle (un personnage d’une pièce de théâtre japonaise), qui  la capacité d’enter en transe, à l’occasion de quoi l’esprit qui se manifeste pourra prendre possession d’elle en pénétrant dans son corps et en se servant de sa voix, pour se présenter et rendre son oracle. Cette dernière fait ainsi essentiellement office de transmetteur, de vaisseau par lequel les entités surnaturelle, ayant quitté leur monde pour entrer dans le notre, peuvent communiquer avec nous de manière intelligible.

La seconde source de pouvoir, qui est complémentaire, et que je qualifie d'”ascétique”, est personnifiée par le saint de Yokawa (un autre personnage de la même pièce). Il est avant tout un guérisseur, capable de bannir les esprits malveillants responsables de la maladie et de la folie pour les transformer en des entités bénéfiques. Afin d’acquérir les pouvoirs nécessaires à cet effet, il doit se soumettre à un régime sévère de pratiques ascétiques, qui , pour être effectives, doivent comprendre, outre le jeûne, la récitation de textes sacrés et le fait de rester immobile sous une cascade, un voyage vers l’autre monde. Ainsi, tandis que, dans le cas du médium, ce sont les esprits qui quittent leur monde pour pénétrer dans le notre, pour l’ascète, le passage se fait en sens inverse. C’est à lui qu’il incombe de quitter notre monde et de se frayer un passage à travers l’écran invisible pour visiter le monde des esprits. Ce voyage peut être accompli sous forme de visions extatiques: son âme, alors, voyage seule, tandis que son corps repose, ayant suspendu toute activité. IL peut également effectuer le voyage en s’appuyant sur des pratiques mimétiques symboliques; projetant l’autre monde par le biais de symboles puissants sur la géographie du nôtre, il peut alors accomplir le voyage à travers la barrière, aussi bien que dans son corps que dans son âme.

Un type de transe caractéristique correspond également à chacune de deux figures. Dans le cas du médium imprégné ou possédé par l’entité spirituelle, il est commun de rencontrer un certain nombre de symptômes physiques, dont un tremblement violent des mains jointes, une respiration ronfleuse ou des grognements, ainsi qu’une lévitation particulière du corps, dans une position assise, jambes croisées. J’ai vu aussi bien des femmes que des hommes se propulser à quelque quinze centimètres du sol dans cette position, de façon réitérée, pendant plusieurs minutes d’affilée. Un médium violent est toujours considéré plus convaincant qu’un médium docile, le caractère non humain de la voix et du comportement prouvant de façon plus patente le déplacement de la personnalité du médium sous l’effet de la manifestation divine. Comme nous allons le voir, ce type de transe peut être provoqué par le médium lui-même ou stimulé par une autre personne, c’est-à-dire, la plus part du temps, l’ascète.

Le second type de transe est tout à fait différent. Il s’agit d’un état comateux profond, où toute activité physique est suspendue. C’est l’état que doit atteindre le corps de l’ascète pour pouvoir visiter d’autre royaumes du cosmos. Dans ce voyage, son corps reste sur place, telle une coquille vide, tandis que l’âme traverse des barrières qu’il ne peut franchir. Il apparait qu’à l’heure actuelle ce type de transe ne se produit que rarement. La capacité à atteindre un tel état de dissociation et le voyage visionnaire qui en résulte semblent avoir reculé au cours des siècles derniers, raison pour laquelle ce périple magique est aujourd’hui essentiellement accompli par des actes symboliques en état de pleine conscience.

J’ai dit plus haut que le médium tout autant que l’ascètes sont des chamanes, car chacun d’eux, par la transe particulière qui le caractérise, est capable de franchir le pont qui sépare les deux monde. (…)

(Le chamane est) une personne dotée d’un don particulier, étant tout à la fois voyageur cosmique, guérisseur, maitre des esprits, psychopompe et oracle. Ces différents pouvoirs, néanmoins, s’articulent autour d’une faculté principale: la transe.

C’est en altérant sa conscience à volonté qu’il est capable de communiquer directement avec les habitants du monde surnaturel.

Nous fondant sur cette définition, nous allons voir qu’au Japon tans le médium que l’ascète sont justement habilités à être qualifiés de chamanes. Nous trouverons des exemples de maladies initiatique, d’appel surnaturel, de voyage “hors du corps”, pendant lequel l’âme se rend au paradis et en enfer. Nous trouverons aussi des esprits auxiliaires, des vêtements et des instruments  magiques et de nombreuses preuves de la chaleur intérieure que provoque la maitrise du feu. Il est vrai qu’au Japon le cosmos est doté d’une configuration différente, et qu’il n’y a pas trace d’existence de l’arbre géant merveilleux réputé se trouver au centre du monde. Il est également vrai que, des visions du médium et de l’ascète, peu se sont référées jusqu’ici aux thèmes du démembrement du corps, du retour à l’état de squelette et à la résurrection des os revêtus d’une nouvelle chair. A la place de cet arbre, nous trouverons toutefois une montagne d’une splendeur presque égale, et, au lieu du démembrement et de la recomposition du corps, prend forme un autre symbolisme, qui, de manière tout aussi claire, se réfère au modèle initiatique de la mort et de la renaissance.

(…) Il n’est donc pas fondé de traiter l’une ou l’autre des figures de manière isolée. Bien qu’ils semblent complémentaires à première vue, le médium et l’ascète sont étroitement liés: tous deux doivent s’astreindre à la même ascèse avant de pouvoir acquérir leur pouvoir particulier. Tous deux doivent aussi pratiquer certains rituels pour pouvoir entrer en contact avec les esprits. Il arrive également que ces deux sortes de pouvoirs soient concomitants ou, du moins, se relaient chez la même personne. A l’époque féodale, il était commun que les deux types d’individus se marient, un ascète épousant une femme médium. Nous avons donc clairement deux fonctions codépendantes, qu’il est fondé de classer dans la même catégorie.

Les phénomènes chamaniques au Japon sont rendus encore plus complexe par le fait qu’ils ne dérivent pas d’une source homogène: comme la race, la langue et la mythologie japonaises, en effet, le chamanisme a des origines mixtes. Les ethnologues japonais ont coutume de rattacher les exemples de chamanisme dans leur pays à deux courants culturels majeurs, qui se sont mélangés au cours des temps préhistoriques. L’ascendance nordique, qui dérive de pratiques altaïques ou toungouses du continent asiatique, se diffusant par la Corée puis les îles d’Hokkaido et Ryukyu, s’est trouvée mêlée à une autre ascendance, prenant sa source au sud, en Polynésie ou en Mélanésie. (…)

Des médiums et des ascètes peuvent encore être rencontrés à l”heure actuelle. La figure du médium, toutefois, ne se trouve plus que rarement et sous une forme quelque peu altérée dans certains districts du Nord-Est, ainsi que dans des îles au large de la péninsule d’Izu ou au cours de certains rituels villageois, où se type de talent se combine avec ceux de l’ascète. La figure de l’ascète, en revanche se rencontre encore dans de nombreux districts du japon. Vivant seuls ou dans certaines enclaves, ces hommes et femmes peuvent être vus dans le district de Nara, aux environs de Kyoto, à Shikoku et Kyushu, le long de la côte de la mer du Japon, au Nord-Est et parfois même à Tokyo. Ces personnes continuent d’employer des techniques de transe et d’exorcisme, qui portent encore le sceau authentique de l’ancienneté  de leur origine.

 

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