Se libérer du connu

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La nuit était très claire, très étoilée. Il n’y avait pas un seul nuage dans le ciel. Le sinistre vacarme de la grande ville industrielle s’était apaisé et tout était infiniment tranquille, même le cri du hibou ne troublait pas cette paix. La lune qui semblaient sous le charme de ce silence. Orion était bien visible à l’ouest et la croix du sud était au-dessus des collines. Toutes les lumières des maisons étaient éteintes, et la petite route étroite était sombre et déserte.

Soudain un gémissement parvint d’un vague endroit parmi les arbres. Le son était comme voilé et produisait une étrange impression de mystère et de peur. Mais plus il se rapprochait, plus le gémissement semblait aigu et bruyant, presque artificiel: la tristesse ne semblait pas authentique. Une procession apparut enfin, éclairée aux lanternes, et la plainte se fit plus forte que jamais. Ils portaient sur les épaules ce qui, à la pâle lueur de la lune, semblait être un cadavre. Suivant lentement un sentier qui traversait la clairière et tournait à droite, la procession se perdit à nouveau parmi les arbres. La plainte se fit moins forte puis cessa totalement. Ce fut à nouveau le silence – cet étrange silence qui règne quand la terre entière dort, et qui à une qualité particulière. Ce n’était pas le silence de la forêt, ou du désert, ou des lieux lointains et isolés, ni le silence de l’esprit totalement éveillé. C’était le silence du labeur et de la lassitude, de la douleur et du plaisir superficiel de la joie. Ce silence cesserait à la venue de l’aube, et reviendrait avec la nuit.

Le lendemain matin notre hôte demanda: “La procession, vous a-t-elle dérangé, cette nuit?”

Qu’était-ce au juste?

– Lorsque quelqu’un est gravement malade, on appelle un médecin, mais pour ne pas prendre de risques, on appelle aussi quelqu’un qui est capable de chasser le mauvais esprit de la mort. Après avoir psalmodié au-dessus du corps du malade et avoir fait un certain nombre de choses étranges, l’exorciste s’allonge et donne l’impression d’être lui-même à l’agonie. On l’attache alors sur une civière, on le transporte en procession avec maints gémissements jusqu’au cimetière ou au bucher funéraire et on le laisse là. Bientôt son assistant vient le détacher et il revient à la vie. Il recommence ses litanies sur le corps du malade, et tous rentrent tranquillement chez eux. Si le malade guérit, c’est que la magie a fonctionné, et s’il meurt, c’est que le mauvais esprit était trop fort.

ce vieil homme était au sannyasi, un ascète qui s’était retiré du monde. Il avait le crâne rasé et ne portait qu’un pagne fraichement lavé, de couleur safran. Il avait un long bâton qu’il posa près de lui en s’asseyant sur le sol avec l’aisance d’une longue habitude. Son corps était mince et docile, et il était légèrement penché en avant comme s’il écoutait, mais son dos était parfaitement droit. Il était très propre, son visage était clair et frais et il émanait de lui une dignité d’un autre monde. Il vous regardait lorsqu’il vous parlait, mais autrement il gardait les yeux baissés. Il y avait en lui quelque chose de très agréable et de très amical. Il avait parcouru tout le pays à pied, allant de village en village et de ville en ville. Il ne marchait que le matin et vers le soir, lorsque le soleil était moins violent. Étant sannyasi et appartenant à la caste supérieure, il n’avait aucun mal à obtenir sa nourriture, étant reçu avec respect et nourri avec soin et prévenance. Lorsqu’il lui arrivait, très exceptionnellement, de prendre le train, il n’avait jamais de ticket car c’était un saint homme et il avait l’apparence de celui dont les pensées ne sont pas de ce monde.

– Depuis l’enfance le monde ne semble nous attirer, et lorsqu’on quitta la famille, la maison, la propriété, ce fut pour toujours. On n’y retourna jamais. La vie été difficile, et l’esprit est maintenant bien maitrisé. On a écouté les maitres spirituels du nord et du sud; on est allé en pèlerinage dans divers temples et tombeaux, là où étaient la sainteté et le juste enseignement. On a cherché dans le silence des endroits isolés, loin des lieux fréquentés par les homme et l’on connait les effets bénéfiques de la solitude et de la méditation. On a été témoin des bouleversements que ce pays a connu toutes ces dernières années – l’homme qui se retourne contre son semblable, une secte contre une autre, la tuerie, et les allées et venues des leaders politiques, avec leurs plans et promesses. Le roué et l’innocent, le puissant et le faible, le riche et le pauvre – ils ont toujours existé et existeront toujours, car ainsi va le monde.

Il resta silencieux quelques instants et reprit:

– L’autre soir, lors de la causerie, il a été dit que l’esprit doit se libérer des idées, des formulations, des conclusions. Pourquoi?

Peut on chercher si on débute par une conclusion, par ce que l’on connait déjà? La véritable recherche ne doit-elle pas débuter dans la liberté?

– S’il y a liberté, est-il besoin de chercher? La liberté est la fin de la recherche.

Se libérer du connu, de toute évidence, n’est que le début de la recherche. Si l’esprit n’est pas libéré du savoir en tant qu’expérience et que conclusion, il n’est pas de découverte mais une simple continuité, qui peut être modifiée, de ce qui a été. Le passé impose et interprète les expériences à venir, ce qui lui permet de se renforcer. Penser à partir d’une conclusion, d’une croyance, n’est pas penser.

– Le passé est ce que nous sommes aujourd’hui, il est constitué des choses que l’on a assemblées par le désir et ses diverses activités. Est-il possible de se libérer du passé? Qu’en est-il?

Ni le passé ni le présent sont figés, statiques et définitivement déterminés. Le passé est le résultat de nombreuses pressions, d’influences et d’expériences conflictuelles diverses, et cela devient le présent en mouvement qui est lui aussi changeant et se transforme sous les pressions incessantes de très nombreuses influences. L’esprit est le produit du passé, il a été assemblé par le temps, par les circonstances, par des évènements et des expériences qui proviennent du passé. Mais tout ce qui lui arrive, intérieurement et extérieurement, l’affecte. Il n’est plus ce qu’il était et n’est pas ce qu’il sera.

– En est-il toujours ainsi?

Seule une chose particulière et très spécialisée est faite une fois pour toutes selon un certain modèle. Le grain de riz ne deviendra jamais, en aucun cas, un épi de blé et la rose ne sera jamais un palmier. mais fort heureusement, l’esprit humain n’est pas aussi spécifique et il peut toujours se défaire de ce qui a été; rien ne l’oblige à être esclave de la tradition.

– Mais on ne dispose pas si facilement du karma. Ce que plusieurs vies ont construit ne pas être détruit d’un seul coup.

Pourquoi pas? Ce qui a été assemblé au cours des siècles, ou simplement hier, peut être immédiatement défait.

– De quelle façon?

Par la compréhension de cette chaine de la cause et de l’effet. Ni la cause ni l’effet ne sont jamais définitifs, immuables – car cela équivaudrait à l’esclavage et à la décadence éternels. Chacun des effets d’une cause subit nombre d’influences autant intérieures qu’extérieures, cela change constamment et devient à son tour la cause d’un autre effet. Grâce à la compréhension de ce qui se produit véritablement, on peut faire cesser instantanément ce processus, et l’on est ainsi libéré de ce qui a été. Le karma n’est pas une chaine éternelle, on peut le briser à n’importe quel moment. Ce qui a été fait hier peut être défait aujourd’hui, rien n’a de continuité permanente. La continuité peut et doit être interrompue par la compréhension de son processus.

– Cela est clair, mais un autre problème doit être résolu. C’est le suivant: l’attachement à la famille et à la propriété a cessé, il y a bien longtemps, mais l’esprit est toujours lié à des idées, des croyances, des visions.

Pourquoi?

– Il est facile de briser l’attachement aux choses de ce monde, mais pour ce qui est des choses de l’esprit, il en va différemment. L’esprit est constitué par la pensée, et la pensée existe sous la forme d’idées et de croyances. L’esprit n’ose pas se vider totalement, car s’il était vide, il cesserait d’être. C’est pourquoi il s’attache aux idées, aux espoirs et à la croyance en ce qui est au-delà de lui-même.

Vous avez dit qu’il était facile de se détacher de la famille et de la propriété. Pourquoi n’en est-il pas de même pour les idées et les croyances? Ne retrouve-t-on pas, dans les deux cas, les mêmes facteurs? L’homme s’accroche à sa famille et à ses biens parce que sans cela il se sent vide et perdu, et c’est pour les mêmes raisons que l’esprit s’accroche aux idées, aux visions, aux croyances.

– En effet. Être physiquement seul en des lieux déserts ne nous dérange pas, car nous sommes seuls parmi la foule. Mais l’esprit répugne à être privé des choses de l’esprit.

Et cette répugnance est synonyme de peur, n’est-ce pas?

La peur ne nait pas du fait d’être intérieurement ou extérieurement seul, mais de la crainte anxieuse du sentiment d’être seul. Ce qui nous fait peur, ce n’est pas le fait réel, mais son effet anticipé. L’esprit prévoit et craint ce qui pourrait être.

– La peur est-elle toujours relative à un futur anticipé, et jamais au fait réel lui -même?

N’en est-il pas ainsi? lorsque existe la peur de ce qui a été, cette peur ne concerne pas le fait réel, mais le fait qu’il être découvert, révélé, ce qui se situe à nouveau dans le futur. Ce que l’esprit redoute, ce n’est pas l’inconnu, mais c’est la perte du connu. Il n’existe pas de crainte du passé, mais ce qui cause la crainte, c’est l’idée de ce que peuvent être les effets du passé. On a peur de la solitude intérieure, de ce sentiment de vide qui peut se produire dans l’esprit qui n’a plus rien à quoi s’accrocher. C’est pour cela que l’on s’attache à une idéologie, une croyance, qui font obstacle à la compréhension de ce qui est.

– Cela est clair.

Et l’esprit ne doit-il pas être vide et solitaire? Ne doit-il pas échapper à l’influence du passé, de la collectivité et à l’influence de nos propres désirs?

– Cela n’est pas encore clair.

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